Pourquoi la France tarde autant à inclure les personnes LGBT au travail
"En France, on ne parle pas de son orientation sexuelle au travail, cela ressort de la vie privée". Cette rationalisation courante par les personnes lesbiennes et gay en France de leur "discrétion" auprès de leurs collègues est corrélée statistiquement à un contexte homophobe. Le Défenseur des Droits montre dans une étude récente que 51% des agents de la fonction publique et 46% des salariés du privé estiment que "révéler son homosexualité à son entourage professionnel contribue à mettre mal à l'aise des collègues de travail". Ce que les personnes LGBT perçoivent souvent comme un choix de leur part – celui de ne pas parler d'eux-mêmes - leur est en fait imposé par un environnement hostile.
Plusieurs études ont mis en évidence les difficultés et les discriminations persistantes auxquelles lesbiennes, bi, gay et trans (LGBT) continuent à être confrontées dans le monde du travail en France malgré les politiques anti-discrimination en place dans de plus en plus d'entreprises et un cadre légal favorable. En effet, si la France est passée de la 23e à la 5e place pour les droits LGBT en Europe, elle reste en retard dans le domaine de l'inclusion dans le monde du travail. personnes LGBT indiquent subir des discriminations indirectes, sous forme d'insultes ou de blagues. L'étude du défenseur des droits montre ainsi que 39% des personnes LGBT font part de souffrir de commentaires ou d'attitudes négatives au travail. Les discriminations directes se manifestent quant à elles sous forme de mise en doute des compétences professionnelles ou de mise à l'écart de certains projets.
Mais au-delà même des discriminations, il existe un coût important à ne pas être soi-même au travail en termes de bien être mais aussi de succès professionnel. Dans une étude citée dans la Harvard Business Review, le concept d'authenticité s'est avéré avoir un effet positif sur la satisfaction au travail, la performance et l'engagement du travail. Il y a aussi un coût personnel à ne pas être authentique: il faut mettre en œuvre des efforts considérables pour dévier ou esquiver les questions personnelles.
Ce constat du retard de la France par rapport au monde du travail anglo-saxon soulève la question: existe-t-il des obstacles spécifiquement hexagonaux à une inclusion des personnes LGBT sur le lieu de travail ?
L'auteur Denis Provencher expliquait en 2008 que "la citoyenneté française est liée à l'universalisme républicain, et le citoyen français homosexuel demande sa reconnaissance auprès de la famille et de l'état à travers la notion de "francité" et de sa similarité (banalité) non pas de sa différence".
Le modèle anglo-saxon de promotion d'inclusion des personnes LGBT dans le monde du travail est souvent critiqué en France pour son particularisme et ce que certains perçoivent comme une tendance à promouvoir le communautarisme ghettoïsé.
Toutefois, la conséquence de ce rejet communautaire est que le monde du travail français reste très hétéronormé. On reste dans la négation des différences drastiques qui existent entre l'expérience des personnes LGBT au travail et celles des personnes hétérosexuelles. Les dirigeants LGBT restent invisibles, les groupes internes d'employés LGBT sont rares, et par exemple aucune entreprise ne participe directement aux marches des fiertés.
Le 16 octobre 2017 l'ONU, en partenariat avec l'Autre Cercle, la première association française d'inclusion LGBT dans le monde professionnel, lancera au siège du Conseil régional d'Île-de-France les cinq standards globaux pour le secteur privé afin de respecter et promouvoir les droits des personnes LGBTI. Le lancement sera suivi d'un débat avec des entreprises et des syndicats pour partager leurs démarches de responsabilité sociétale dans le domaine des droits des personnes LGBT.
Le troisième standard intitulé "supporter les employés LGBT au travail", requiert que les entreprises, en plus de leurs politiques antidiscriminatoires, prennent des mesures proactives pour assurer le bien-être et la dignité des personnes LGBT au travail. Les entreprises sont ainsi encouragées à soutenir les efforts des employés LGBTI pour créer leurs propres groupes de personnel, à promouvoir pro activement une culture d'inclusion et à s'assurer que les équipes dirigeantes se fassent le porte-parole de l'engagement de l'entreprises en faveur des droits des personnes LGBTI.
Depuis le premier lancement au siège des Nations Unies à New York le 26 septembre 2017, de nombreuses entreprises dans le monde ont exprimé leur appui à ces standards dont trois grandes entreprises françaises: BNP Paribas, EDF et Orange. L'Autre Cercle et l'ONU espèrent que d'autres entreprises exprimeront leur appui à ces principes directeurs afin que chacun-e sur le lieu de travail puisse se sentir apprécié-e et soutenu-e.
Lire aussi :
• Delormeau balance l'un des nombreux tweets homophobes qu'il reçoit tous les jours
• Victime d'une violente agression homophobe, un ancien de Secret Story 5 raconte
• La réponse parfaite de Slimane de The Voice à un tweet homophobe et raciste
• Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici
• Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost
À voir également sur Le HuffPost: