Affaire Fiona : quand la question de la complicité de Cécile Bourgeon ou de Berkane Makhlouf s'invite au procès
Depuis mardi 1er décembre, la cour d’assises du Rhône cherche, lors de ce quatrième procès, à démêler l’écheveau de mensonges, de contradictions, de doutes qui plombent depuis 2013 « l’affaire Fiona ». Nous sommes entrés ce lundi matin dans la dernière ligne droite des débats. Avec un petit coup de tonnerre en fin de journée.
Début de la dernière semaine du procès Fiona ce lundi matin 14 décembre à la cour d'assises du Rhône, à Lyon.
Dans le box des accusés, comme tous les jours depuis le 1er décembre, Berkane Makhlouf, habillé de son blouson noir fermé qu'il n'ouvrira pas de la journée, et Cécile Bourgeon, cette fois avec un foulard rouge dans les cheveux, arrivent sans se regarder.
Ils sont jugés, notamment, pour un crime : des violences ayant entraîné la mort de Fiona, cinq ans et demi, disparue en 2013 dans le Puy-de-Dôme.
Jusque-là, les accusés étaient dans la coactionLors du premier procès à Riom, comme aux deux autres procès au Puy-en-Velay, Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf étaient considérés comme "coauteurs".
C'est-à-dire que chacun d'entre eux devait pouvoir être personnellement impliqué dans la commission du crime.
En l'occurence, pour être reconnus coupables, les jurés devaient avoir l'intime conviction que chacun d'entre eux, Cécile Bourgeon comme Berkane Makhlouf, avaient pu porter des coups à Fiona.
En 2016, la cour d'assises du Puy-de-Dôme a ainsi jugé qu'il ne ressortait pas des débats que Cécile Bourgeon avait été violente avec sa fille et avait acquitté la mère de Fiona (condamnée à cinq ans de prison pour les autres délits).
Qu'est-ce que la question subsidiaire ?Mais ce lundi soir, avant d'entamer les plaidoiries, le président de la cour d'assises du Rhône, a décidé, conformément à la loi pénale, d'ajouter une question subsidiaire à la liste des questions qui seront posées aux jurés au moment du délibéré.
S’il apparaît, lors des débats, que les faits reprochés à l’accusé appellent une autre qualification que celle qui avait été proposée par l’arrêt de renvoi, le président doit poser une question subsidiaire portant sur cette nouvelle qualification (art. 351 C.pr.pén.).
Ce sera donc la 9e question.
Au cas où il serait répondu "non" à la question "Cécile Bourgeon est-elle coupable d'avoir commis des violences ayant entraîné la mort ?", il sera demandé aux jurés (en substance) : Cécile Bourgeon est-elle coupable d'avoir par aide ou assistance facilité la réalisation des violences ayant entraîné la mort ?
Cela ressort des débats, des déclarations de Cécile BourgeonEt le président d'indiquer qu'il a souhaité ajouter cette question parce que la complicité de Cécile Bourgeon ressort des débats.
Cécile Bourgeon a notamment reconnu avoir apposé un bandeau sur l'hématome de la fillette et avoir maquillé Fiona pour aller au Centre Jaude pour masquer les violences
Une phrase importante qui enlève cette question du doute qui jusque-là plombait les débats. Puisque les deux accusés se renvoyaient la responsablité des violences.
Un revirementPour la défense, Me Gilles-Jean et Renaud Portejoie, "c'est un revirement".
Pendant sept ans, on nous a dit "Cécile Bourgeon a frappé sa fille "et aujourd'hui on vient nous dire "Cécile Bourgeon a maquillé sa fille" caricature Gilles-Jean Portejoie
Et Renaud Portejoie d'ajouter : "Le subsidiaire affaiblit le principal", laissant entrevoir la brèche dans laquelle va s'engouffrer la défense lors des plaidoiries attendues ce mardi 15 décembre en fin de journée, ou au plus tard mercredi matin.
Obtenir une condamnation de Cécile BourgeonPour les parties civiles, notamment Maîtres Anne-Laure Lebert, Jean-François Canis et Charles Fribourg, qui représentent le père de Fiona, Nicolas Chafoulais, l'ajout de la question de la complicité "qui était déjà, pour nous, entendue dans la coaction" permet de lever un doute et d'obtenir une condamnation de Cécile Bourgeon.
Mais "cela ne correspond pas non plus à la vérité de ce dossier où nous sommes persuadés qu'elle a porté des coups sur Fiona", regrettent-ils.
Et ce mardi matin, ils devraient donc tout de même demander au jury de retenir la culpabilité pour les violences à titre principal. Tout en jouant ce nouvel élément de la complicité, à titre subsidiaire.
Une complicité qui va s'appliquer dans les deux sensEn défense pour Berkane Makhlouf, Me Luciani a tout de suite demandé à ce que la question de la complicité soit aussi posée pour son client.
Me Luciani : "La question doit être posée en sens inverse". Le président : "Je ne vois pas en quoi il résulte des débats une raison de retenir la complicité de Berkane Makhlouf ?"L'avocat insiste. Le débat s'installe un moment et le président accepte finalement. Là encore, nous avons aussi ce soir une petite idée de quelques axes de la plaidoirie de Me Luciani.
Les conditions à remplirConcrètement, pour que la question de la complicité puisse se poser, il faut d'abord que Cécile Bourgeon ou Berkane Makhlouf soit déclaré coupable des violences sur Fiona. Il faut un auteur principal avant d'avoir un complice.
Il va être très intéressant de suivre les réquisitions de l'avocat général, Joël Sollier, ce mardi 15 décembre. Et de voir comment il articule les responsabilités et quel quantum de peine il va requérir.
En effet, que les accusés soient coauteurs ou que l'un des deux soit complice de l'autre, ils encourent toujours tous les deux la même peine maximale de trente ans de réclusion criminelle.
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Cécile BergougnouxPhotos Richard Brunel et Franck Boileau