Assises de la Corrèze : de 15 à 17 ans de réclusion requis pour la tentative d'assassinat à Brive sur fond de croyances occultes
Retirée pour délibérer depuis la fin de l'après-midi, la cour d’assises de la Corrèze est toujours en train de délibérer, ce vendredi soir, pour statuer sur le sort de cet homme de 53 ans, auteur présumé d’une tentative d’assassinat à Brive-la-Gaillarde en octobre 2016. Une peine de 15 à 17 ans de réclusion criminelle a été requise à l'encontre du seul accusé encore en vie.
« J’aurais aimé qu’elle soit là, qu’elle puisse voir mon regard qui est le même que celui de ma grand-mère… » C’est avec beaucoup de dignité et au terme d’un témoignage fort, où sa voix n’a pas vacillé, que la petite-fille de la victime de la tentative d’assassinat jugée depuis jeudi, une dame de 82 ans décédée depuis, a désigné Chantal F. en ouverture d'audience ce vendredi.
Dénué de sentimentCar aujourd'hui encore, lors de la seconde et dernière journée d’audience, c’est bien cette parente, nièce de l’octogénaire et présente lors de l’agression de celle-ci dans un bois de Brive ce 19 octobre 2016, qui est apparue comme l’instigatrice des faits criminels. Elle aussi dont la cour n’a pu que regretter l’absence, car décédée en début d’année tout comme sa mère, troisième co-accusée dans le dossier.
Dans le box des accusés, le compagnon de Chantal F. est resté totalement en dehors de son procès, sans réaction aucune dans la cage de verre alors que succédait le témoignage de la fille de la victime, ponctué de larmes et empreint d’émotion. « Ça ne vous remue pas un peu ce que vous venez d’entendre ? », a questionné la présidente de la cour, Colette Lajoie. « Non », a répondu d’une voix décharnée l’accusé de 53 ans. Jeudi, c’est avec la même absence froide qu’il avait, dénué de toute émotion, mécaniquement répondu à la cour qui lui demandait s’il avait eu du sang sur les mains après avoir frappé à huit reprises la tante de sa compagne avec un démonte-boulons.
Une attitude qui n’a pas manqué d’interroger et qui a été reprise hier par Me Lachaise lors de sa plaidoirie pour les parties civiles : « tout est de sa responsabilité, c’est un assassin dépourvu d’affect qui met en œuvre le mode opératoire : un premier scénario chez la victime, mais il juge que l’accident ne sera pas crédible ; puis celui des faits qu’il met à exécution dans les bois ; c’est lui aussi qui cache l’arme et tente de faire disparaître les indices. »
Au-delà de tout manichéisme, un réquisitoire nuancéSi le conseil a tenté de désamorcer l’argument d’une action criminelle sous influence, plaidant une tentative d’assassinat en pleine conscience, l’avocate générale, Emilie Abrantes, a estimé que « ces actes surviennent dans un contexte d’idées totalement délirantes de Chantal F. Elle a cette idée fixe d’être ensorcelée par la victime. Idée qui va devenir celle de sa mère, puis celle de l’accusé. Cette petite musique funèbre se met en place durant des semaines, des mois. C’est cette dame de 82 ans qui est à l’origine de tous ses maux et les guérisseurs ne suffisent plus : c’est elle qu’il faut tuer pour que ça cesse. »
Le portrait du bourreau qui frappe froidement, celui de l’accusé sans un regard pour les bancs des parties civiles, a ainsi été nuancé par l’avocate générale, invitant à éviter tout regard manichéen : « il a vécu seul, jusqu’à cette vie d’ermite dans une grotte durant plusieurs années, et c’est aussi quelqu’un, nous dit l’expert psychiatre, qui a une incapacité de développement affectif. Il n’a pas acquis cela. Il n’a pas eu de relations aux autres, pas de compagne, à l’exception de Chantal F. Sa dépendance à elle va être le terreau du passage à l’acte. Il va adhérer au délire de sorcellerie. » Et de conclure avant de demander de 15 à 17 ans de réclusion criminelle et un suivi socio-judiciaire de 7 ans : « c’est un homme téléguidé, mais pas sans libre arbitre. »
Le poids des deux co-accusées absentesPour la défense, enfin, Me Roche a plaidé : « l’expert a parlé de “contrôle”, “d’emprise”. S’il y a une sorcière dans cette affaire, c’est bien elle, qui est la véritable instigatrice de la tentative d’assassinat. » L’avocat a poursuivi : « les faits sont horribles et sont le résultat d’une interaction toxique avec ces deux femmes, sa compagne et sa mère, belle-sœur de la victime. » Et d’insister, pointant les deux co-accusées absentes : « ce serait injuste de tout faire porter sur ses épaules. »
Les délibérations étaient toujours en cours à 22 heures, ce vendredi, et le verdict attendu dans les prochaines heures.
Julien Bachellerie