À Thiers, on tisse des tapis... et des liens
Financé par le Contrat de Ville, l’atelier collectif de feutrage de laine et de création de tapis a regroupé à Thiers, pendant quelques jours à la mi-décembre, de nombreuses femmes avec un point commun. Elles sont toutes issues du Centre ancien de Thiers. Et ce, sous l’impulsion de Thaïs Marques, thiernoise depuis seulement un an et demi, membre de l’association Les Marchandes de tapis.
De l’eau chaude et du savonÀ travers cet atelier, plusieurs objectifs. Techniques, humains, et sociaux. Tout a commencé par des groupes de six à dix femmes, qui ont appréhendé le feutrage de la laine. Une laine, qui, si elle n’est pas du Puy-en-Velay, vient au moins d’Europe.
« L’initiation au feutrage, souligne Thaïs, a permis d’apprendre à frotter et mélanger les fibres entre elles, grâce à de l’eau chaude et du savon. Chacun a pu repartir avec son petit échantillon. » Ce qui attendait ensuite les participantes, c’est la confection d’un tapis collectif à grande échelle, au Centre B.
Il y a cette notion de rencontre, de partage, et de création collective. Avec en plus une technique manuelle qui ne nécessite pas d’outils. Juste mettre les mains et les pieds, c’est accessible, ça s’apprend vite.
D’autant que la laine parle à plein de gens. « Elle est accessible dans beaucoup de cultures différentes, les gens qui viennent en France ont parfois un passé lié à l’agriculture. Et finalement, cet atelier, c’est un moyen de rencontre, un prétexte. Il y a une vocation sociale, sans l’obsession de travailler avec des personnes en situation de précarité. Au contraire, le but est d’avoir une diversité de personnes. »
À l’image de ces six femmes soudanaises, arrivées à Thiers, et qui prennent des cours de français pendant que leurs enfants sont à l’école George-Sand. « On n’a pas forcément besoin de parler la même langue, avance Thaïs, car le geste suffit parfois pour expliquer. »
Un tapis exposé puis utiliséD’autres encore fréquentent le Centre social, ou sont membres du conseil citoyen. Quoi qu’il en soit, toutes les femmes présentes ont pour mission commune de créer un tapis. Avec des motifs, sur le recto, et le verso. Alors, il faut du temps, pour superposer les couches de laine entre elles, rouler le tapis, encore et encore, des heures durant avec les pieds, puis pour le faire sécher. Plus de deux semaines. Ensuite, ce tapis sera exposé au Centre social, et au 36 de la rue de la Coutellerie avant d’être utilisé comme vrai tapis. À l’école George-Sand ? Au Centre social ? Dans la future médiathèque ? Cela reste à définir.
Alexandre Chazeau
« L’envie d’avoir du partage »
Tous les âges sont plus ou moins représentés, ce jour-là au Centre B de Thiers, dans une des salles qui accueille habituellement les cours de danse du conservatoire.
Autour du tapis, chaque petite main s’affaire à souder entre elles toutes les fibres des morceaux de laines qu’elles ont voulu ajouter. Parmi les fourmis, il y a Colette Henri, venue avec deux de ses amies retraitées, et qui habite Thiers et le Centre ancien depuis deux ans seulement.
« C’est aussi, un peu, la découverte des autres »« Je fais partie du conseil citoyen, explique-t-elle. À ce titre, on a rencontré Thaïs Marques qui nous a proposé l’atelier. J’ai été séduite par le côté interculturel, et le côté manuel qui nous permet d’acquérir une technique traditionnelle. C’est génial de feutrer de la laine, il y a ce côté ludique, on joue avec les textures, les couleurs, les sensations, on retombe un peu en enfance. Et puis, ce moment, c’est aussi recréer du lien entre les gens. On a envie d’avoir un quartier vivant, de la solidarité, du partage. »
À côté, Éloïse, thiernoise depuis cinq ans et musicienne, se délecte de cet instant : « On a la possibilité de rencontrer d’autres mamans au travers de la symbolique du tapis, qui résulte d’un travail en commun. Avec à chaque fois, la question de ce que l’on veut y mettre, à travers ce qui parle de nous, de nos rêves pour la ville. Tout ça m’a parlé. Cet endroit en plus est tellement inspirant ! »
Sandrine Ferrandon et Laëtitia Tixier accompagnent, elles, les mamans soudanaises issues du dispositif Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des élèves. Et notent combien ce genre de pratique collective permet l’immersion et participe aux progrès des dames qu’elles encadrent : « Il est évident que cette scène de vie quotidienne leur permet de progresser, car elles parlent lors de l’atelier. » « C’est aussi, un peu, la découverte des autres », termine Colette, pleine de sagesse.