De plus en plus de Japonais meurent sans héritiers, et ce n’est pas anodin
Signe supplémentaire du déclin démographique du Japon (et de la crise du mariage dans ce pays), les caisses de l’Etat ont récupéré au cours de l’année fiscale close fin mars 2022 64,7 milliards de yens (près de 460 millions d’euros) de biens appartenant à des défunts sans héritiers.
Six fois supérieur à celui d’il y a vingt ans, ce chiffre témoigne du nombre croissant de personnes vivant seules et qui ne préparent pas de testaments. Selon le gouvernement, 6,7 millions de plus de 65 ans vivaient seuls en 2020, 40 % de plus qu’il y a dix ans. Leur nombre pourrait atteindre 8 millions en 2030 car, selon l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale, 28 % des hommes de 50 ans et 18 % des femmes du même âge étaient célibataires en 2020.
Cette hausse des recettes témoigne aussi de la crise de la natalité au Japon, qui s’est accélérée pendant la pandémie de Covid-19. D’après le gouvernement, le nombre de naissances, en recul depuis les années 1970, pourrait être passé sous les 800 000 en 2022, du jamais-vu depuis l’enregistrement de cette donnée, en 1899. Un tel chiffre n’était pas attendu avant 2030 par les statisticiens nippons. Il situe l’archipel à un niveau quasi identique à celui de la France, où la population est deux fois moindre.
Le Premier ministre a promis de s’attaquer au problème
Conséquence, le nombre de Japonais - 124,8 millions - recule : la population compte trois millions de personnes de moins qu’en 2012. Cette érosion a un impact économique : pénurie de main-d’œuvre (malgré la possibilité croissante de travailler jusqu’à 70 ans) et coût croissant des dépenses médicales et des retraites qui représentaient 33,7 % du budget de l’Etat 2022 - presque deux fois moins qu’en 1990 (17,5 %).
Le Premier ministre, Fumio Kishida, a promis le 23 janvier de s’attaquer au problème, en tablant entre autres sur un doublement des aides à l’éducation des enfants. Reste à savoir si l’aspect financier sera suffisant : confrontés à une précarité croissante, les jeunes Japonais sont de moins en moins enclins à convoler et à souhaiter avoir des enfants.
Le nombre de cas de Japonais décédant sans héritier devrait croître, et augmenter en conséquence le travail des tribunaux des affaires familiales. C’est à eux que revient la charge de nommer des "administrateurs d’héritage" devant gérer les actifs successoraux. Ces fonctionnaires en mission spéciale payent les impôts ou les factures des services publics que la personne n’avait pas réglés. Ils s’assurent ensuite qu’il n’y a pas d’héritier. Une partie des biens peut être attribuée par la justice à un ami ou une personne proche du défunt.
Le reste finit dans les caisses de l’Etat. De quoi faire au moins un heureux : le ministère des Finances, confronté à une dette qui dépasse les 250 % du PIB.