Etats-Unis : le ballon chinois, qui était bien un espion, continue de semer la discorde
Il n’y a plus de doutes pour Washington : le ballon chinois était "clairement" équipé d’outils d’espionnage. Selon des responsables américains, les images capturées par des avions militaires américains montrent que l’appareil qui a survolé les Etats-Unis la semaine passée était bien équipé d’outils de collecte de renseignements, et non destinés à la météo.
Les clichés pris par des avions espions U2 indiquent que le matériel du ballon "était clairement fait pour de l’observation à des fins d’espionnage, et ne colle pas avec un équipement de ballon-sonde météo", a ainsi déclaré jeudi 9 février un haut responsable du département d’Etat américain, sous couvert de l’anonymat.
"Il avait de nombreuses antennes, un ensemble probablement capable de collecter et géolocaliser des communications", a-t-il ajouté dans un communiqué. Le ballon "était équipé de panneaux solaires assez larges pour fournir l’énergie nécessaire à faire fonctionner de multiples capteurs collectant du renseignement", a-t-il encore précisé.
Une "petite partie" des équipements de surveillance récupérée
Washington a abattu samedi 4 février au large de sa côte Atlantique un ballon qui avait survolé des sites militaires sensibles et avait été qualifié par Pékin d’aéronef "civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques". Cet accrochage diplomatique avait mené le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken à repousser une rare visite en Chine.
Les autorités américaines s’affairent toujours à récolter les débris du ballon dans l’Atlantique, près des côtes de Caroline du Sud. Un responsable du FBI, qui est chargé de les examiner, a indiqué que seule une "petite partie" des équipements de surveillance avait été récupérée. "Les pièces qui ont été récupérées et apportées au FBI sont très limitées", a-t-il affirmé, précisant qu’elles sont examinées dans les laboratoires de la police fédérale à Quantico, en Virginie. Ce qui a été récupéré jusqu’ici flottait à la surface de l’océan, a précisé le responsable qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat.
La plus grande partie des équipements, notamment les vastes panneaux solaires, a coulé à une profondeur de 14 mètres lorsque le ballon a été abattu le 4 février. Le FBI n’a pas précisé si ces pièces avaient été localisées mais il a prévenu que le mauvais temps risquait de gêner leur récupération.
Dans le petit échantillon que le FBI a examiné, "les analystes n’ont trouvé aucun matériel explosif ou offensif, susceptible de présenter un danger pour la population américaine", précise la chaîne d’information CNN.
Une flotte envoyée au-dessus de plus de 40 pays
Les Etats-Unis estiment que le ballon était contrôlé par l’armée chinoise et faisait partie d’une flotte envoyée par Pékin au-dessus de plus de 40 pays sur cinq continents, à des fins d’espionnage. "Nous sommes convaincus que le fabricant du ballon a un lien direct avec l’armée chinoise", a ajouté le haut responsable du département d’Etat. Il a indiqué que Washington soupesait d’éventuelles mesures à l’encontre d’entités chinoises liées au ballon, ce qui pourrait indiquer de possibles sanctions à venir.
Lors d’une audition au Congrès, une responsable du Pentagone a défendu la décision de l’armée américaine de ne pas abattre le ballon au large de l’Alaska, dès qu’il a pénétré l’espace aérien des Etats-Unis, le 28 janvier.
Il aurait été beaucoup plus difficile et "extrêmement dangereux" de le récupérer dans les eaux glacées du Pacifique nord, profondes de plus de 5 000 mètres, a noté Melissa Dalton, chargée de l’Amérique du Nord au ministère de la Défense. "Nous l’avons surveillé et évalué en continu, et nous en avons appris davantage sur les capacités et les techniques" d’espionnage de la Chine, a-t-elle assuré.
Des échanges animés au Sénat
Les élus de la Chambre américaine des représentants ont dénoncé à l’unanimité "l’utilisation par le Parti communiste chinois d’un ballon espion", estimant qu’il s’agit d’une "violation éhontée de la souveraineté des Etats-Unis". Cette résolution condamnant les activités d’espionnage de la Chine est "une rare démonstration d’unité bipartisane", souligne The Washington Post.
Comme le relève le Courrier international, les échanges ont été particulièrement animés au Sénat, où des élus "visiblement en colère" ont interrogé les représentants du Pentagone sur "le raisonnement" derrière l’action gouvernementale, et notamment la décision de ne pas abattre le ballon plus tôt, raconte CNBC. "Je ne veux pas d’un satané ballon flottant au-dessus des États-Unis, quand on aurait pu l’abattre au-dessus des îles Aléoutiennes", au large de l’Alaska, s’est exclamé le sénateur démocrate du Montana Jon Tester.
L’intrusion de ce ballon dans l’espace aérien américain a provoqué une nouvelle crise diplomatique entre Pékin et Washington. La Chine a confirmé jeudi 9 février avoir refusé un appel téléphonique du chef du Pentagone Lloyd Austin samedi, peu après la destruction du ballon. "Cet acte irresponsable et gravement erroné n’a pas créé un climat propice au dialogue et aux échanges entre les deux armées", a justifié le ministère chinois de la Défense dans un communiqué.
"Bien que les hauts responsables américains assurent vouloir maintenir ouverts les canaux de communication avec la Chine, les versions contradictoires sur la nature du ballon sèment la discorde", analyse The New York Times. "Et le gouvernement Biden a lancé auprès de plusieurs pays une campagne d’information sur l’étendue du programme chinois de ballons espions" dans l’espoir que "d’autres nations se mobilisent contre les activités" de Pékin, observe le quotidien.