Добавить новость
103news.com
World News in French
Февраль
2023

Faut-il (faire) souffrir pour créer ?

0

Les artistes sont-ils et elles toujours ces êtres torturés pouvant tout exiger, devant tout sacrifier, comme le met en scène Valeria Bruni Tedeschi dans “Les Amandiers” ? Autrices, cinéastes, essayistes et chorégraphes nous racontent comment s’envisage aujourd’hui le geste créatif.

En mars 1989, à Paris, sur la scène du Théâtre de l’Empire où elle est récompensée du César de la meilleure actrice pour son rôle dans Camille Claudel, Isabelle Adjani cite la sculptrice en regroupant des phrases de sa correspondance : “D’où viennent pareilles férocités ? Vous qui connaissez mon attachement à mon art, vous devez savoir ce que j’ai dû souffrir. Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar.”

L’actrice, qui traverse la période la plus faste de sa carrière, ajoute ses propres mots : “Dans la condition de l’artiste, il y a quelque chose d’extrême…” Ce quelque chose, trente-quatre ans plus tard, se promène toujours dans les cerveaux et dans les corps, sur les scènes et sur les planches, dans le secret des chambres où l’on écrit.

Jusqu’où aller dans l’intime ?

Faut-il souffrir (et accessoirement, faire souffrir) pour créer ? Le documentaire Des Amandiers aux Amandiers (réalisé par Karine Silla Perez et Stéphane Milon), en immersion sur le tournage du film de Valeria Bruni Tedeschi sorti à l’automne dernier, soulevait il y a quelques mois cette question redevenue ultra-contemporaine, à la suite du mouvement MeToo et des nombreuses révélations d’abus dans les milieux du cinéma, du théâtre et de la musique.

La cinéaste et comédienne, qui embrasse à travers Les Amandiers ses années de formation à Nanterre sous les auspices agités de Patrice Chéreau, se montre dans ce making of sous un jour intense, tremblante, parfois féroce, en corps à corps avec ses acteur·rices, exigeant qu’ils et elles puisent dans ce qui les abîme pour faire advenir une vérité.

Quelques jours après la mise en ligne du documentaire, Mona Chollet critiquait la méthode de la réalisatrice dans un long billet sur son blog personnel (publié dans une version raccourcie sur le site du Monde), prenant l’exemple d’une scène où Bruni Tedeschi incite Vassili Schneider à une révélation intime : “Il faut que tu lui montres une blessure béante […] Faisons la liste de toutes nos hontes”, propose-t-elle pour aborder une répétition. L’autrice de Sorcières écrit : “Bruni Tedeschi soumet ses acteurs à un bombardement de directives psychologisantes et intrusives, qui pourrait n’être qu’agaçant, mais qui dérape franchement […] On a très mal pour Vassili Schneider, en particulier.”

“On est jeunes, et quand on est un peu fragiles, ça peut être périlleux”

Le comédien a répondu à l’essayiste sur Instagram – “Ne faites pas de moi une victime de Valeria Bruni Tedeschi” –, défendant “l’expérience la plus enrichissante” de sa carrière, tandis que l’actrice Léna Garrel, également à l’affiche des Amandiers, exprimait dans le même documentaire des sentiments ambivalents : “Dans la méthode de Valeria, ce qui m’intéresse et aussi que je trouve violent – car il y a vraiment les deux, on est jeunes, et quand on est un peu fragiles, ça peut être périlleux –, c’est qu’on vient vraiment toucher à l’ego. Ce qui nous protège dans la vie, l’estime de soi, le fait qu’on tienne debout, qu’on se regarde dans une glace, ça ne l’intéresse pas dans le jeu.” Cette problématique, éclipsée lors de la sortie du film par les accusations de viol concernant Sofiane Bennacer (l’un des acteurs principaux), incarne un renversement de perspective.

Que ce soit l’épuisement de l’équipe et des acteur·rices provoqué par Abdellatif Kechiche sur le tournage de ses films (notamment La Vie d’Adèle) ou le souvenir des plateaux remplis de fureur de Maurice Pialat – sans compter l’histoire du rock, riche en “comportements problématiques” –, ce qui fut considéré comme le signe d’une exigence artistique ultime est désormais interrogé.

“‘Pas de printemps pour Marnie’ est un film réalisé par un violeur, mais du point de vue de la femme violée”

Écrivaine et critique de cinéma, Hélène Frappat publiait en janvier Trois femmes disparaissent, un récit méditatif et féministe consacré à la généalogie souvent saturée de souffrance incarnée par trois actrices : Dakota Johnson, Melanie Griffith et Tippi Hedren, petite-fille, fille et mère, cette dernière notoirement harcelée sexuellement et psychologiquement par Hitchcock sur les tournages des Oiseaux et de Pas de printemps pour Marnie.

“Hitchcock est un exemple passionnant, explique-t-elle. Marnie est un film réalisé par un violeur, mais du point de vue de la femme violée… Évidemment, ce type de déviance (et le génie d’Hitchcock n’aurait pas dû l’exempter de sa responsabilité morale/pénale) n’est pas un modèle. Mes cinéastes préférés (John Carpenter, Jacques Rivette, Howard Hawks, Steven Soderbergh, James L. Brooks…) ont filmé avec respect et humanité des actrices auxquelles ils donnaient d’ailleurs les rôles les plus passionnants, ironiques, complexes.”

Une conception antique de l’artiste

Le mythe de l’artiste hanté, alias le poète maudit principalement masculin, a longtemps accompagné la justification des abus. Au départ se trouve pourtant une question philosophique posée par Aristote dans un texte publié sous le nom Problème XXX : “Pourquoi tous ceux qui furent exceptionnels en philosophie, en politique, en poésie ou dans les arts étaient-ils de toute évidence mélancoliques, certains au point de contracter des maladies causées par la bile noire, comme Héraclès dans les mythes héroïques ?”

Tristan Garcia, écrivain et philosophe (Âmes ; 7 ; Laisser être et rendre puissant), rappelle l’importance des XVIIIe et XIXe siècles dans notre conception de l’artiste : “La souffrance fait partie intégrante des mythes romantiques, de Byron à Werther, qui expliquent l’émergence du concept moderne de génie, démiurge créant dans la douleur une œuvre authentique, dont on sait qu’il a été très genré, marqué par l’hégémonie de la subjectivité masculine, européenne, blanche.” Garcia note que le lien avec la souffrance existe également dans “des mythes d’Afrique de l’Ouest, l’art chinois classique, l’art indien classique, et des œuvres féminines aussi bien que masculines”.

“À l’origine de l’art, il y a une maladie”

Cette question de la souffrance travaille l’ensemble des personnes que nous avons interrogées. Jean-Christophe Meurisse, metteur en scène des Chiens de Navarre, la compagnie de théâtre qu’il a créée en 2005, ne recule pas devant le mot : “Je crois qu’en effet, la souffrance existe dès lors qu’on essaie de l’exprimer et de la représenter. Pour aller chercher de la satire, une certaine vision du monde, et en rire, il y a une question de nature, et je n’ai jamais été quelqu’un de très joyeux. C’est quand même un rire qui vient des profondeurs.”

Olivier Assayas, qui a réalisé dix-huit films depuis les années 1986, notamment Clean (2004), se situe dans cette lignée : “Je pense qu’à l’origine de l’art, il y a une maladie. L’art, s’il est un tant soit peu authentique, peut éventuellement se construire sur la plénitude, mais, en général, c’est l’inverse : on n’est pas en harmonie avec le monde, mal ajusté, mal intégré ou en décalage. Et on libère quelque chose de cette souffrance.”

C’est Antonin Artaud clamant que “nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer”. C’est Proust dans Le Côté de Guermantes, nous coupant le souffle : “Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux […] Jamais le monde ne saura tout ce qu’il leur doit et surtout ce qu’eux ont souffert pour le lui donner. Nous goûtons les fines musiques, les beaux tableaux, mille délicatesses, mais nous ne savons pas ce qu’elles ont coûté à ceux qui les inventèrent, d’insomnies, de pleurs, de rires spasmodiques, d’urticaires, d’asthmes, d’épilepsies, d’une angoisse de mourir.”

Confondre l’art et la vie

Faut-il, contre Proust, penser que la beauté ne naît pas uniquement dans d’obscurs tréfonds ? Certaines voix s’emparent du sujet avec moins de respect pour la mélancolie. Hélène Frappat perçoit dans “le mythe de-la-souffrance-de-l’artiste une (énième) arnaque chrétienne valorisant le dolorisme : on nous promet qu’il y aura quelque chose à gagner à souffrir, alors qu’en fait la souffrance, comme l’explique Spinoza, est juste une diminution de notre puissance d’agir. La fonction de ce mythe serait de délimiter une case de ‘fous’ (comme si les créateurs avaient le monopole des troubles psychiques) et de créer une confusion dommageable entre l’art et la vie. Comme disait Van Gogh : quand il souffrait (trop), il ne créait pas.”

“L’idée que la création ait partie liée avec la souffrance, c’est une mythologie qui a la peau dure”

Essayiste et réalisatrice (sa première série Split est sélectionnée cette année au festival Séries Mania), Iris Brey évoque la possibilité d’un choix conscient. “L’idée que la création ait partie liée avec la souffrance, c’est une mythologie qui a la peau dure. Mais on peut choisir de s’en débarrasser. Évidemment, on ne peut pas évacuer la part de douleur qu’implique le travail inhérent, par exemple, à toute activité d’écriture. Mais on peut choisir que cette souffrance intime n’irradie pas sur tout un collectif. Je pense même qu’il faut redoubler d’effort pour endiguer toute forme de circulation de la souffrance. Cela fait alors advenir un autre régime d’images.”

Vers la sublimation

La souffrance en art ne vaudrait finalement que par ce qu’on en fait – un sujet à esquiver, un sujet à confronter ? –, et les solutions trouvées par les concerné·es se révèlent riches et variées. Blandine Rinkel, écrivaine (L’Abandon des prétentions ; Vers la violence), chanteuse (notamment avec le groupe Catastrophe) et danseuse, cherche une forme de sublimation : “Quand je travaille, même si cela me donne des maux de tête ou des courbatures (et, bien sûr, ça arrive souvent, il m’est même arrivé de finir à l’hôpital), même si j’ai honte ou que je panique par instants, je sais que le sentiment de liberté finira par triompher. Cette sensation euphorisante d’avoir dépassé ses propres limites – qu’elles soient intellectuelles, physiques ou sociales. Cette impression comme un vif d’or, fugace et saisissante, d’être un peu moins dominée, un peu moins à l’étroit, un peu plus libre…”

Les riffs, comme des lacérations, dans certains morceaux de Jehnny Beth (chanteuse et musicienne, mais aussi comédienne, nommée au César du meilleur espoir féminin pour son rôle dans Un amour impossible en 2019) prennent certainement racine dans l’intranquillité, mais, selon elle, chercher la souffrance pour créer s’apparente à une fausse piste : il s’agit de réagir à ce qui nous tombe dessus…

“Quand il arrive un vrai drame dans la vie – une séparation, un deuil –, ça a plutôt tendance à tout détruire, comme une bombe atomique, analyse-t‑elle. La reconstruction est parfois longue et lente pour retrouver le terrain fertile de la création. Pour être créative, il faut une richesse et un entrechoquement de plein de choses, comme une végétation qui pousse devant nos yeux […] Quand on écrit en cœur brisé, c’est parce que l’on a d’abord eu un cœur ouvert et rempli d’amour.”

De nouvelles approches

Les solutions bricolées par les un·es et les autres dressent un constat lié à la prise de conscience contemporaine des limites de la souffrance, qui n’apparaît plus seulement comme un moteur désirable. Ils et elles évoquent souvent dans le même mouvement la souffrance de créer et la souffrance au travail. Tous les domaines sont touchés. En janvier, le chef danois René Redzepi a annoncé dans le New York Times la fermeture en 2024 de Noma, son restaurant situé à Copenhague et élu plusieurs fois meilleur du monde.

Le modèle de la haute cuisine avec ses menus comptant des dizaines de plats ultra-sophistiqués, réalisés par une équipe soumise à d’énormes pressions, n’est tout simplement “plus viable”. Redzepi, âgé de 45 ans, a reconnu du harcèlement moral et une incapacité à offrir des conditions de travail épanouissantes. “Financièrement et émotionnellement, en tant qu’employeur et être humain, ça ne marche pas.”

Les pratiques de management – y compris chez les artistes, qui peuvent y voir un gros mot – demandent à être réenvisagées, en lien avec les visées esthétiques des œuvres. Directrice du festival Move au Centre Pompidou, Caroline Ferreira constate depuis une dizaine d’années une nouvelle approche de la performance, art qui a pu être lié à une certaine violence pour ses interprètes, notamment dans l’actionnisme viennois des années 1960 et ses suites.

“Je note dans les conditions de travail une atmosphère plus douce et plus respectueuse”

“Quand je commande des performances à des artistes qui ont tout juste la trentaine, je note dans les conditions de travail une atmosphère plus douce et plus respectueuse, et les thèmes aussi sont différents”, raconte celle qui prend en compte le bien-être de ses invité·es et y réfléchit dans son travail de curatrice – douches, salles de repos, conditions de sécurité. Le tout en accord avec l’approche des artistes dont elle soutient le travail. Ainsi, l’Anglais Rory Pilgrim, dont la performance Software Garden, présentée à Pompidou en octobre 2021, était pensée comme “un espace de care et d’attention […] explorant les liens entre technologie, handicap et soin”, avec la poétesse en situation de handicap Carol R. Kallend.

Caroline Ferreira dit aussi son admiration pour l’Espagnole Tamara Alegre, qui explore fluides et sexualités, comme dans sa dernière pièce Nx Fuimo, teintée d’influences dancehall et de chorégraphies proches du twerk : “Les performeuses jouent avec des plugs qu’elles s’insèrent et expulsent, explique Ferreira. En amont, l’artiste a organisé des ateliers pour valider le concept et savoir si elles étaient à l’aise pour que ça ne les mette pas en danger psychologiquement et émotionnellement.”

Bien-être au travail

Ne rien censurer mais prendre soin : telle serait donc la clef pour que la souffrance ne s’impose pas, surtout quand le processus artistique est partagé. De ce point de vue, le cas (La)Horde passionne. Fondé en 2011 par Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel, ce collectif situe ses pratiques autour de la danse, travaillant des pièces chorégraphiques mais aussi des films, clips, pubs, installations vidéo et performances, avec des danseur·ses de diverses tranches d’âge et horizons.

“Je pense que Jonathan, Arthur et moi, on appartient à la génération de la libération de la parole, explique Marine Brutti. Les notions de bien-être au travail, de collaboration, la question de comment on fait pour parler de l’autre sans le manger, comment on crée des ponts… c’était assez nouveau quand on a commencé, mais ça faisait déjà partie de notre vocabulaire.” Le trio raconte des collaborations les plus ouvertes possibles, où “la forme n’arrive pas sans le fond de la rencontre avec les interprètes, selon Arthur Harel. Il ne faut pas que la création soit une zone de compromis, mais de débat, d’échange.”

“On peut pousser le principe de la création très loin, se mettre en colère ou explorer la souffrance, si on pose les limites”

Que ce soit avec un chorégraphe comme Steven Cohen, habitué aux explorations douloureuses, ou avec des danseur·ses repéré·es sur le web dans To Da Bone (2017) ou âgé·es (Void Island, 2014), le trio revendique un principe d’inclusivité et une réflexion sur le geste créateur. “On sait qu’on nous reproche d’être des hypersensibles, mais je pense que c’est une manière de nous dévaloriser, estime Marine Brutti. Les rapports sociaux pourraient être plus sains, et ça n’empêche pas le leadership. Au ballet, on ne coince pas les gens. On encourage nos danseurs à venir avec leurs désirs, puis on repère les endroits où ça rejoint les nôtres.”

Pour échapper à ce que Marine Brutti appelle “les violences intégrées dans la danse professionnelle”, Arthur Harel dresse une analogie audacieuse, mais parlante, avec les principes du BDSM : “On revient de tellement loin dans la direction d’acteurs et de danseurs que la notion de care que nous revendiquons peut paraître stérile. Pourtant, dans le travail artistique, celui qui se met en jeu peut dire ‘vert, rouge, bleu’, se sentir légitime d’arrêter quand il le souhaite. On peut pousser le principe de la création très loin, se mettre en colère ou explorer la souffrance, si on pose les limites. Le BDSM, ce n’est que ça : du consentement.”

Le lieu de travail comme safe space (“espace sécurisé”), le metteur en scène Jean-Christophe Meurisse le revendique. “Je ne supporte pas de travailler dans les rapports de force. Le pseudo-romantisme de la souffrance au travail te permet juste de gueuler sur les gens. J’essaie d’apporter un maximum de sérénité. Le théâtre est un art collectif, donc, mes souffrances, je les garde pour moi. Il y a une frontière très fine entre l’obsession et l’exigence artistique, qui peut rendre fou des artistes comme Pialat ou Kechiche, et le pas que franchit un tyran pervers en sachant que les gens vont céder à son pouvoir, sa méchanceté et sa violence.”

Réinventer, explorer

Alors qu’elle vient de connaître sa première expérience en tant que réalisatrice de fiction, Iris Brey appelle de ses vœux “un autre cadre pratique et théorique”. De quoi serait constitué ce cadre ? L’autrice du Regard féminin – Une révolution à l’écran propose de renoncer à ce qu’elle nomme une “esthétique de la bosse et de la plaie béante” pour la remplacer par un échange : “Le mot peut sembler bien-pensant, mais je crois profondément à une esthétique de la générosité. On demande beaucoup aux comédiens de donner. Mais si ce don est reçu, il doit y avoir une réciprocité. Je valorise davantage ce qui est offert que ce qui est arraché.”

Issu d’une autre génération, d’une autre tradition culturelle, d’un autre genre, Olivier Assayas déploie une pensée compatible avec celle de ses cadet·tes : “J’ai une admiration profonde pour Hitchcock et Pialat et je ne juge pas la pratique des autres, car je sais à quel point tout cela est douloureux et sensible. C’est leur voix, et on n’en a pas deux. En revanche, j’estime avoir des comptes à rendre sur ma propre pratique. Et là, je me situe, sans la moindre nuance ou ambiguïté, du côté des acteurs. Ils sont à l’image et décident de ce qui est faisable, jusqu’où ils veulent aller. Je ne les dirige pas, je travaille avec eux. La question du pouvoir ne m’intéresse pas.”

Un regard bienveillant

Le réalisateur d’Irma Vep – le film, puis la série –, brillante et comique exploration d’un tournage difficile, reformule la question du don : “On parle toujours de ce que les acteurs donnent au film, or je tiens à l’idée inverse : qu’est-ce que moi je peux leur donner qui va les aider à explorer des choses inédites pour eux, dans lesquelles ils peuvent s’accomplir ; qu’est-ce que le film donne aux acteurs ?”

Assayas prend l’exemple de Personal Shopper (2016) avec Kristen Stewart. “Si elle n’avait pas été là, à tous les points de vue, mon film n’existerait pas, constate-t-il. Et moi, j’ai pu lui donner une liberté de créer qu’elle n’avait peut-être pas dans le cinéma américain, de réinventer les scènes de l’intérieur, à travers un regard bienveillant, attentif, en phase avec elle.”

“Le tout est de ne pas chercher à souffrir ou à faire souffrir, mais plutôt d’accepter d’explorer la souffrance qui est là”

Question concrète, morale, politique, esthétique, la souffrance s’apparente à un marqueur de l’éternel “monde d’avant”, à une époque où le désir d’un après-les discriminations, les guerres, les inégalités ressemble à une utopie de science-fiction. Alors, que faire ? Penser hors de la binarité, suggère Tristan Garcia, qui renvoie dos à dos l’esthétique doloriste de la souffrance et une autre, récente, qu’il nomme “esthétique anesthésiée”.

“Parce qu’on sent bien que le dolorisme peut s’accompagner d’une justification de la domination dans la création, on peut être tenté d’anesthésier l’esthétique, et de retirer toute valeur créative attribuée à la souffrance. Je crois que ce serait une erreur.” Ce que propose Garcia revient à considérer la souffrance non pas comme une nécessité dans l’art, mais “un moyen de découvrir des possibilités, des puissances de la sensibilité. Le tout est de ne pas chercher à souffrir ou à faire souffrir, mais plutôt d’accepter d’explorer la souffrance qui est là.”

Cette souffrance qui est là, qui rôde et menace d’imposer ses rêves difformes, Blandine Rinkel la tient en respect comme une vieille amie encombrante : “Créer réclame sans doute un mélange de curiosité, d’amour-propre et d’humilité. Et puis : du travail. Après, ce travail se fait-il dans la joie ou la déprime, la souffrance ou le plaisir ? Je crois que je m’en fiche, tant qu’il se fait. Je ne crois pas aux circonstances idéales pour créer. Je crois au noyau de nuit qu’on porte au fond de soi, et à l’effort que l’on produit pour le donner à lire, voir ou écouter.” 

Propos recueillis Fabienne Arvers, Carole Boinet, Olivier Joyard, Jean-Marc Lalanne et Franck Vergeade





Губернаторы России
Москва

Собянин рассказал о росте турпотока из Китая





Москва

Московский аэропорт Домодедово и Всероссийское общество инвалидов заключили соглашение о сотрудничестве


Губернаторы России

103news.net – это самые свежие новости из регионов и со всего мира в прямом эфире 24 часа в сутки 7 дней в неделю на всех языках мира без цензуры и предвзятости редактора. Не новости делают нас, а мы – делаем новости. Наши новости опубликованы живыми людьми в формате онлайн. Вы всегда можете добавить свои новости сиюминутно – здесь и прочитать их тут же и – сейчас в России, в Украине и в мире по темам в режиме 24/7 ежесекундно. А теперь ещё - регионы, Крым, Москва и Россия.

Moscow.media
Москва

Собянин прибыл в Китай с рабочим визитом



103news.comмеждународная интерактивная информационная сеть (ежеминутные новости с ежедневным интелектуальным архивом). Только у нас — все главные новости дня без политической цензуры. "103 Новости" — абсолютно все точки зрения, трезвая аналитика, цивилизованные споры и обсуждения без взаимных обвинений и оскорблений. Помните, что не у всех точка зрения совпадает с Вашей. Уважайте мнение других, даже если Вы отстаиваете свой взгляд и свою позицию. 103news.com — облегчённая версия старейшего обозревателя новостей 123ru.net.

Мы не навязываем Вам своё видение, мы даём Вам объективный срез событий дня без цензуры и без купюр. Новости, какие они есть — онлайн (с поминутным архивом по всем городам и регионам России, Украины, Белоруссии и Абхазии).

103news.com — живые новости в прямом эфире!

В любую минуту Вы можете добавить свою новость мгновенно — здесь.

Музыкальные новости

Моргенштерн

Моргенштерн* жестко ответил хейтерам и защитникам Дилары




Спорт в России и мире

Алексей Смирнов – актер, которого, надеюсь, еще не забыли

Резидент «Инсайт Люди» Дмитрий Зубов установил мировой рекорд по чеканке мяча

Военно-спортивный фестиваль Росгвардии в «Лужниках» собрал более 20 000 москвичей и гостей столицы

Красногорск первым встретил участников международного супермарафона Москва-Минск


Андрей Рублёв

Теннисисты Рублев, Хачанов и Самсонова не сыграют на Олимпиаде-2024



Новости Крыма на Sevpoisk.ru


Москва

ПМЭФ-2024: премиальный бренд HONGQI представил на Форуме свои флагманские и новые модели



Частные объявления в Вашем городе, в Вашем регионе и в России