Dix-neuf fermetures de classes en Creuse : « C’est une véritable provocation à laquelle les élus vont répondre »
En Creuse, élus de l’Assemblée des maires ruraux, de l’Association des maires et adjoints de la Creuse et conseillers départementaux des communes concernées par des fermetures de classes se sont réunis ce mardi 28 février en mairie de Guéret, pour organiser la résistance.
«C’est une attaque en règle au département de la Creuse et nous n’allons pas nous laisser faire. » Nicolas Simonnet, coprésident de l’Amac et conseiller départemental l’a dit hier soir sans détour, c’est « un véritable coup de couteau que nous donne l’État ».
Dix-neuf fermetures de classes : de mémoire d’élus, aucun, parmi la quarantaine présents n’avait jamais connu ça. Dans un département qui remue tout ce qu’il a pour redevenir attractif, redynamiser ses secteurs d’activité, qui multiplie les initiatives pour ramener des services disparus à sa population ou maintenir ceux qui existent encore et qui travaille aux côtés de l’État (Plan particulier pour la Creuse, Petites villes de demain), cette annonce de fermetures de classes et d’écoles est vécue comme une gifle de mépris pour les territoires ruraux.
Plus de logique et moins de mépris pour les territoires ruraux« On est choqué par une telle décision », lâche Philippe Bayol, coprésident de l’Amac. « C’est une manifestation profonde de mépris vis-à-vis des élus, vis-à-vis des programmes qu’ils ont pu engager », ajoute Michel Moine, maire d’Aubusson dont une classe est menacée de fermeture. Sa commune s’est lancée dans un projet de réussite éducative pour venir en aide aux enfants les plus fragiles.
Marie-Françoise Fournier, la maire de Guéret où cinq classes sont menacées de fermeture, dénonce cette dichotomie de l’État, qui « encourage » d’un côté et reprend de l’autre.
« Samedi encore, on a inauguré à Ajain un cabinet médical totalement hors norme. Tout le monde était là pour applaudir et à côté de ça, on nous sabre le minimum essentiel, nos écoles. On demande un peu de logique et un peu moins de mépris, parce que ce mépris que les maires ressentent aujourd’hui, les enseignants et les parents le ressentent aussi. »
« On investit d’un côté pour démolir de l’autre. On nous promet un PPC2, ce sera quoi, le Plan particulier pour la casse ? », ironise Jean-Luc Léger, conseiller départemental. « C’est ça qu’on veut pour la Creuse ? Tout le monde comprend bien qu’au-delà de l’école, ce sont les zones rurales qui sont encore une fois attaquées. »
La Creuse peut-être davantage encore puisque « si on appliquait le taux d’encadrement qui est celui du Cantal, on aurait 29 postes de plus, et si on appliquait celui de la Lozère, il y aurait 158 postes en plus », calcule Philippe Bayol.
Et l’ancien maire de Guéret et enseignant, Michel Vergnier, de rappeler que « l’école est laïque, gratuite et obligatoire. L’Éducation nationale doit pourvoir à l’éducation des enfants, quoi qu’il en coûte ! »
Une carte scolaire élaborée sans concertation avec les élusLe fond révolte ces élus creusois, tout autant que la forme. « Ces annonces de fermeture se sont faites sans concertation préalable des élus alors même que dans les réunions territoriales, l’inspecteur d’académie nous avait dit qu’il était prêt à la concertation », rappelle Jean-Luc Léger, faisant référence aux protocoles triennaux qui donnaient aux élus trois ans pour travailler à une remontée d’effectif avant qu’une classe ne soit fermée.
Michel Moine souligne encore le manque de « courage » du Dasen qui a préféré envoyer ses inspecteurs primaires annoncer la mauvaise nouvelle aux maires plutôt que de se déplacer en personne. Une première. « Tout ça aujourd’hui va mettre le feu dans la Creuse », insiste le maire d’Aubusson. Cette carte scolaire, « c’est une véritable provocation à laquelle les élus vont répondre ». La colère est partagée, unanimement. Comme l’envie d’en découdre.
« Il y a une véritable colère pour ne pas dire plus de la population, des élus, des familles, de tous les Creusois, souligne Nicolas Simonnet. On n’accepte plus. On veut les moyens humains et financiers pour pouvoir continuer d’accompagner nos politiques de redynamisation de l’attractivité. » Des moyens pour l’école en font partie.
« On va demander au Dasen de revoir sa copie. On a prévu de lui proposer zéro fermeture d’école, zéro fermeture de classes et 23 créations de postes ! »
Car après tout, c’est l’année de la Creuse. Le ton est grave et le ton est ferme. Et la proposition tout ce qu’il y a de plus sérieuse.
Un boycott du Conseil départemental de l'Éducation nationale le 6 marsLa décision a également été prise de boycotter le CDEN du 6 mars, les représentants du Conseil départemental, de la Région, des associations des maires ne s’y rendront pas. Faute de quorum, il devra être reporté. Se tiendra entre-temps une assemblée extraordinaire des maires et élus le 11 mars pour « définir des stratégies » et « prendre des mesures à la hauteur de la provocation ».
« Très clairement, nous allons remettre en cause nos relations avec l’État », avertit Michel Moine. Une délégation d’élus ira ensuite remettre un courrier à l’attention du ministre de l’Éducation nationale à la préfète de la Creuse. Une « première étape », précise les élus.
« Derrière, il y aura des mesures qui vont vraiment rendre très, très difficiles les relations de confiance et de travail entre les élus et l’État. On peut rappeler que l’État ne peut rien faire sans les élus locaux, on peut bloquer la machine et c’est ce que l’on va faire. L’objectif, c’est de ne rien lâcher. Et on est déterminés. »
« Là, il y a 14 maires concernés, mais demain, ce seront les autres », anticipe Jean-Claude Aurousseau, président de l'AMR et maire de Genouillac dont une classe doit fermer. « Il faut que l’ensemble des maires du département se mobilisent, il faut faire front commun ».
« L’esprit Creuse, ajoute Marie-Françoise Fournier, c’est aussi ce que les maires vont être capables de faire ici face à ce défi qu’on nous lance ».
Mobilisation. Les élus, qu’ils soient maires, adjoints, conseillers départementaux, s’associent à toutes les mobilisations, manifestations prévues et invitent les habitants à les rejoindre ce mercredi à 17 h 30 devant l’Inspection d’académie, place Varillas, à Guéret, ainsi que jeudi 2 mars, à 14 heures (même lieu) et samedi 4 mars à 10 h 30 (même lieu).
Texte : Julie Ho Hoa julie.hohoa@centrefrance.com