Stopper l'artificialisation des espaces agricoles : un cheval de bataille pour Terre de liens en Limousin
À l’occasion de son assemblée générale, samedi 18 mars à Saint-Priest-la-Feuille, l’association Terre de liens Limousin avait choisi de mettre l’accent sur l’artificialisation des sols.
C’est un phénomène que l’on peine à se représenter à l’échelle globale, mais dont les multiples manifestations au niveau local se déroulent pourtant sous nos yeux. Et dont l’association Terre de liens (lire encadré) a mis dans ses chevaux de bataille : l’artificialisation des terres, soit la perte d’espaces dédiés à l’agriculture au profit d’autres activités…
Des "champs de maisons"Selon le ministère de la Transition écologique, entre 20.000 et 30.000 hectares sont artificialisés chaque année en France, et Terre de liens estime que ce chiffre est très sous-estimé.
Le Limousin, contrairement à l’idée que l’on pourrait se faire d’une région très verte, n’est pas épargné. La dynamique de l’artificialisation y est même plus forte qu’au national durant la dernière décennie : entre les deux derniers recensements agricoles (2010, 2020), le pays a en effet perdu 200.000 hectares de terres agricoles (-0,8 %) contre 9.000 hectares en Limousin (-1,1 %). L’étalement urbain de l’agglomération de Limoges est la principale cause de cette érosion, et plus largement le développement des zones résidentielles ou économiques autour de chaque ville, même les plus petites. Ces fameux "champs de maisons" ou parcs d'activités qui s'étalent aux périphéries...
Cet aspect foncier fait aussi écho dans une certaine mesure à la baisse continue du nombre d’exploitations (en Limousin : 46.000 en 1970, 14.000 en 2010, 11.000 en 2020). Et cela soulève un certain nombre d’interrogations, voire d’inquiétudes, aussi bien sur les enjeux environnementaux qu’alimentaires… Sur ce dernier point, Terre de liens résume : comment parvenir à l’idéal de souveraineté alimentaire si l’on se prive d’espaces pour cultiver ?
Quant aux aspects écologiques, l’association rappelle que l’artificialisation des espaces, à commencer très concrètement par l’artificialisation du sol, entraîne nécessairement un bouleversement écologique et une perte de biodiversité… Sans parler des effets secondaires, sur le cycle de l’eau ou le réchauffement climatiques. Un parking ne rend pas les mêmes services écologiques qu’une prairie ou un bois…
Si la loi “climat résilience” (2021) comporte un volet censé lutter contre le phénomène (réduire de moitié d'ici à dix ans la quantité d’espaces artificialisés et viser le zéro artificialisation en 2050), Terre de liens souligne que c’est toute une culture à faire évoluer : « on se figure toujours les zones agricoles comme des zones blanches, à conquérir, comme s’il n’y avait pas, déjà, une activité dessus », imageait un intervenant.
En outre, regrette l’association, l’artificialisation n’est pas vraiment corrélée aux besoins démographiques et économiques. Il y a ici et là des projets surdimensionnés et une surconsommation d’espace… En clair, du gaspillage.
Afin d’illustrer le propos, l’association avait choisi d’inviter une autre association, très locale celle-là, et au cœur de cette problématique : Zone rurale à défendre, qui lutte contre le projet d’extension du parc d’activité de la Croisière.
Ce projet, jugent ses détracteurs, soutenus par Terre de liens, est aujourd’hui une aberration anachronique : « créer une offre (de foncier) en imaginant que cela va entraîner une demande (de la part des entreprises) est une logique du passé qui ne répond pas à leurs besoins réels et surtout se fait au détriment de la vocation agricole et des atouts environnementaux, explique en substance l’association. Si des entreprises veulent s’installer, il existe déjà suffisamment de zones urbaines avec des friches à réutiliser…
Floris Bressy
Terre de liensReconnue d’utilité publique, l’association Terre de liens qui a été créée il y a vingt ans revendique un certain héritage paysan, fait de solidarité et d’équité. L’organisation se décline en associations locales et est couplée à une entreprise d’investissement solidaire. Ses objectifs majeurs portent sur la préservation des surfaces agricoles et leur transmission. Terre de liens est connue pour aider les porteurs de projets non issus du milieu agricole à s’installer. L’association propose de leur faciliter la recherche de foncier et leur épargner les difficultés de la spéculation, en achetant des terrains qu’elle va ensuite leur confier en location. Pour 2022, en Limousin, huit fermes ont ainsi été lancées ou relancées, faisant travailler 20 fermiers.