Retraites : commerces, tourisme… Trois chiffres sur l’impact économique de la mobilisation sociale
Déjà confrontés à l’inflation, plusieurs secteurs subissent désormais les effets de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites, après 10 journées de grèves et de manifestations depuis le 19 janvier. Des conséquences lourdes dans l’immédiat pour les secteurs concernés, mais qui ne mettent pas en danger l’économie globale du pays.
Dans le commerce, 19 % de chiffres d’affaires en moins par journée de grève
Les manifestations commencent à peser concrètement sur les commerces. Selon l’Alliance du commerce, la dernière journée de mobilisation du jeudi 23 mars a fait chuter de 19 % le chiffre d’affaires quotidien des commerçants sur la France entière. Plus en détails, ces derniers ont perdu 20 % à Paris, et pire encore dans d’autres villes : -60 % à Rennes, -30 % à Bordeaux, -29 % à Toulouse.
Les Chambres des commerces et d’Industrie (CCI France) ont déploré vendredi 24 mars l’impact économique des manifestations "violentes" et des "blocages" sur l’activité des commerces. Elles estiment aussi qu'"après la crise sanitaire et dans une période marquée par l’inflation et les difficultés d’approvisionnements, nos commerçants ne peuvent pas se permettre de baisser le rideau", rappelant qu’en France, le commerce de proximité représente 634 000 entreprises pour 3,5 millions d’emplois.
Entre 8 et 23 % de manque à gagner dans l’hôtellerie-restauration
C’est la ministre déléguée chargée du Tourisme qui tire la sonnette d’alarme. Lundi 27 mars, Olivia Grégoire s’est dite "inquiète" de l’impact du mouvement social sur la filière du tourisme français. À raison. Les professionnels de l’hôtellerie-restauration ont déjà averti récemment de leur inquiétude de subir "très directement le contrecoup" des manifestations sur leur activité.
De nombreux établissements ont été contraints de fermer leurs portes lors des 10 journées de manifestations dans les grandes villes françaises. D’autres ont, selon le président de l’Umih Ile-de-France Franck Delvau, connu "des annulations de 20 à 50 %" durant ces journées.
Les hôtels parisiens ont annoncé une perte de chiffre d’affaires de 14 % en moyenne les jours de grève, contre 8 % en région, par rapport à une journée normale selon le cabinet MKG. Lors de la dernière journée de manifestation le jeudi 23 mars, ces manques à gagner ont atteint 28 % à Paris et 13 % en région. Selon MKG, l’impact est néanmoins relatif, puisque les chiffres d’affaires dans le secteur restent en hausse cette année comparée à 2019 et 2022.
Un milliard de pertes par jour de grève ?
Entre l’arrêt des raffineries, les blocages dans les transports et les grévistes du privé, les syndicats avaient promis de "mettre l’économie à genoux". Quel est finalement le coût des journées de grèves et de manifestations pour l’économie française ? Plusieurs économistes ont proposé des réponses dans les médias ces derniers mois. En janvier, l’économiste Marc Touati estimait sur le site de Capital que "le coût d’une grève forte représente environ 20 % d’activité en moins au niveau national". Avec un PIB français de 2 550 milliards d’euros en 2022, chaque jour ouvré représente un PIB d’environ 10 milliards d’euros. "Soit un coût d’environ 2 milliards d’euros" par jour de grève, conclut l’économiste.
Un chiffre que d’autres relativisent. Auprès de La Voix du Nord, le chef du département de la conjoncture de l’Insee Julien Pouget rappelait que l’impact de la grève dépend également grandement de la mobilisation dans les secteurs issus du privé par exemple, et des impacts indirects comme ceux subis par les commerces ou la restauration. Globalement "au niveau macroéconomique, l’effet est assez modeste", estimait-il début mars.
En 2019, le mouvement social contre la réforme des retraites, qui avait duré trois mois avec plusieurs jours de mobilisation nationale et des grèves reconductibles dans plusieurs secteurs - un record de 37 jours consécutifs avait alors été établi par la SNCF - avait représenté une baisse de "entre 0,1 et 0,2 %" du PIB trimestriel, rappelle l’économiste, soit environ un milliard d’euros. L’échelle était la même pour les précédents mouvements sociaux importants, "que ce soit en 1995, en 2007 ou en 2010" souligne l’économiste Sylvain Bersinger dans un entretien à L’Express, soulignant l’inutilité de mettre en parallèle le coût d’une journée de grève avec celui du déficit du régime des retraites. En comparaison, le Covid a provoqué une baisse de 8 % du PIB national sur l’ensemble de l’année en 2020.