Climatosceptiques : pourquoi 37 % des Français n'adhèrent plus aux discours du Giec
Le rebond interpelle. En l’espace d’un an, la proportion de climatosceptiques a augmenté de près de dix points en France, pour atteindre 37 % selon l’Obs’COP, une étude réalisée conjointement par EDF et l’institut de sondage Ipsos. "On observe une remontée dans de nombreux autres pays, mais elle semble particulièrement marquée en France, confirme Didier Witkowski, directeur des études à EDF. L’idée qui progresse le plus n’est pas la négation du changement climatique, mais le fait que ce dernier soit essentiellement dû à un phénomène naturel comme la Terre en a toujours connu dans son histoire."
Pourquoi les citoyens se mettent-ils à rejeter brutalement l’hypothèse d’une cause anthropique ? "Nous manquons encore de certitudes, reconnaît Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences po. Il peut y avoir un effet de sidération par rapport aux phénomènes météorologiques extrêmes récents. Pour ceux qui ont assisté aux sécheresses ou aux incendies spectaculaires de ces derniers mois, la nature est devenue folle." Cependant, ce qui frappe le plus dans la situation française, c’est la très forte baisse de l’explication humaine du changement climatique dans les catégories populaires.
"Plusieurs phénomènes sont sans doute à l’œuvre, estime Jérémy Bouillet, docteur en science politique et chercheur à la R&D d’EDF. Certains individus cherchent clairement à instrumentaliser le changement climatique pour faire du déni une sorte de cheval de bataille clivant les populations. Parallèlement, plus on rentre dans les mesures environnementales et leur application concrète, plus les populations vont être confrontées à des arbitrages économiques compliqués. Résultat, une partie prête davantage ses oreilles à des discours cherchant à décrédibiliser la cause humaine du changement climatique, surtout si les mesures en question ne sont pas perçues comme équitables."
Des antivax devenus climatosceptiques
"La sobriété n’est plus seulement une idée. Elle ne crée pas forcément un sentiment de rejet, et certains citoyens peuvent modifier leur comportement dans le bon sens. Mais je me demande si sa concrétisation, avec en toile de fond le concept d’écologie punitive, ne peut pas créer une sorte de contre-réaction. En gros, les gens se disent : laissez-nous, on a d’autres soucis, comme l’inflation", explique Daniel Boy. "A l’avenir, nous serons sans doute confrontés à un ressentiment de plus en plus fort de la part des classes populaires face à des injonctions venant des élites", prédit Didier Witkowski.
Un phénomène amplifié par l’usage des réseaux sociaux. Dans son livre Toxic Data (Flammarion), publié en 2022, David Chavalarias, mathématicien en sciences sociales et directeur de recherche au CNRS, montre bien la résonance extrêmement forte des comptes dénialistes par rapport aux sources fiables. Selon lui, de nombreux antivax se consacrent désormais à combattre les messages portés par les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
"Est-ce que dans ces conditions le climatoscepticisme ne pourrait pas finir par faire des ravages chez les jeunes, via des plateformes comme twitter ou TikTok ?" s’interroge, Daniel Boy. Si c’était le cas, nous perdrions alors de précieux alliés.