Les caps à tenir d'Eric Correia après le tangage de son Agglo du Grand Guéret
Après le diagnostic de la Ville à mi-mandat, voici le tour de l’Agglomération avec son président qui revient sur ces trois premières années marquées par une forte hausse de la fiscalité.
Où en est aujourd’hui l’Agglo du Grand Guéret ?
Elle a eu un tangage, il y a deux ans. On a pris des mesures nécessaires. Entre les compétences obligatoires et optionnelles ajoutées et les baisses de dotations, l’Agglo a vécu l’effet ciseau : plus de dépenses que de recettes. Avec des transferts de charges pas la hauteur : quand l’Agglo prend la compétence petite enfance qui coûte 400.000 euros à Guéret et que la Ville n’en transfère que 200.000… Ça a des conséquences.
Pourquoi avoir choisi le levier de la fiscalité ?
Ce n’était pas le seul. L’Agglo reverse chaque année plus de trois millions d’euros aux communes membres. J’ai proposé qu’on baisse ces fonds de compensation pour ne pas recourir à la fiscalité.
Pour cela, il faut l’accord unanime des communes. Mais l’une d’entre elles (*), avant même que nous le proposions, a délibéré pour refuser toute rétrocession. La proposition était morte dans l’œuf.
A Creuse Grand Sud, les communes ont accepté de rendre une partie de leurs fonds FPIC, la solidarité intercommunale existe plus chez eux que dans le Grand-Guéret ?
On peut le regretter. Au moins de n’avoir pas pu engager cette discussion. Dans beaucoup d’agglos en France, les fonds de compensation ne sont plus reversés aux communes.
Comment les élus de Creuse Grand sud ont sauvé leurs Comcom
C’est donc le refus de cette commune de partager qui expliquerait le choix d’augmenter la fiscalité sur toute l’Agglo ?
Oui, la hausse de 4 points de notre taux nous rapporte 1,2 M€, alors que nous reversons 3 millions de compensation. Et en vérité, on a dû la créer cette fiscalité.
C’est-à-dire ?
Avec 0,4 % de part intercommunale sur le foncier, cet impôt n’existait pas vraiment. En regardant la moyenne de la strate d’Agglos comparables, on trouvait du 4,5 %. Aujourd’hui, le levier fiscal a été douloureux, mais l’objectif est atteint, l’Agglo est désendettée et nous avons 3 ans de capacité de désendettement. Donc la capacité d’investir.
Inventer une fiscalité, c’est dire que vos prédécesseurs ne lui avaient pas prévu de ressources autonomes…
Peut-être que certains n’envisageaient pas l’Agglo comme un outil de développement, mais juste une structure vers laquelle on transfère ce qui nous coûte.
La hausse de la fiscalité offre une capacité d’investissement de 18 millions d’euros sur 5 ans qu’allez vous en faire ?
La plus gros sur la piscine, il y a des aménagements de zones à faire, tout le chantier sur l’eau, il faut lancer les travaux avant que l’usager ne les paie avec la particularité qu’on lui demande de moins en moins consommer alors que les travaux seront de plus en plus onéreux. Le parc animalier sur lequel il faut mettre pas mal d’argent, aussi. Tout cela, on le fait en autofinancement car on n’emprunte plus depuis trois ans.
Quel bilan tirez-vous de vos neuf années de présidence ?
Une intercommunalité est très différente d’une mairie où c’est très pyramidal. On est sur de l’horizontalité, de la concertation entre élus. Et j’aime le travail en équipe. C’est une structure intéressante, qui a pris de l’importance non parce que le voulait mais parce qu’on le lui imposait.
"On subit des compétences, parfois pour le meilleur. La compétence eau nous est arrivée, on la prise en main et je pense que ce bien commun sera mieux géré à l’échelle de l’Agglo. Je rappelle que nous sommes passés de communauté de communes à agglomération le 1er janvier 2013, ce qui nous amenait un gain financier de 800.000 euros en dotations de l’État, mais avec la condition de compétences supplémentaires. Mais, depuis, avec les baisses de dotations, on a perdu 1,3 million… mais avec toujours les compétences en plus."
D’ailleurs, le président de la CCI, Jean-François Tixier, dans un courrier du 15 mars, propose à la préfète de revenir à une simple communauté de communes avec moins de compétences obligatoires, qu’en pensez-vous ?
Je l’ai déjà demandé. Il y a deux ans. Sauf que la loi ne permet pas de revenir en arrière. Cela n’a pas été prévu par les textes.Jean-François TIXIER
Lors de votre réélection en 2020, vous fixiez, parmi vos sept priorités, la mutualisation… où en êtes-vous ?
Il n’y avait déjà que très peu de mutualisations avant que la nouvelle majorité de Guéret arrive. On doit pouvoir faire mieux.
Mais, n’y a-t-il pas un schéma de mutualisation obligatoire qui doit être validé par les élus ?
C’est vrai. Mais il est à l’arrêt, et rien n’est prévu pour l’instant. Une commission existe. Et puis, on ne mutualise pas qu’avec Guéret. On crée, en ce moment, une plate-forme pour permettre à nos habitants d’acquérir des récupérateurs d’eau à moindre prix.Les chefs de cuisines scolaires en formation
La Ville de Guéret aimerait mutualiser son futur nouveau restaurant scolaire…
Il faut que le projet soit présenté. Ça a plus de sens si cela vient de la collectivité qui a déjà un service et souhaite le partager.
Envisagée comme un outil de développement, l’Agglo n’est-elle pas, en vérité, dépourvue de projet économique ?
Mais si, il y en a un. À chaque conseil communautaire, il y a des ventes de terrains.
Un projet économique se limite-t-il à vendre du foncier aux entreprises ?
Avant de vendre les parcelles, le vice-président aux affaires économiques, il va les chercher ces entreprises. Mais il y a des projets plus vastes. On n’en parle pas avant que ce soit réalisé. La méthanisation, c’est aussi un projet économique. Qui est flingué par les recours, même si la loi les permet.pole domotique étape de l'innovation la mobilité au service du bien vieillir cube immersif
Mais ne manque-t-il pas une ambition innovante, structurante, comme a pu l’être la domotique qui semble morte aujourd’hui ?
Ce n’est pas mort ! Ça a évolué. On a Innovill’âge qui travaille à tout ce qui est amélioration de l’habitat pour le maintien au domicile. On va passer au travail avec les artisans qui devront installer ces modèles. Ça va de pair avec ce que devient le LMB de Felletin, et on lui a proposé un partenariat. Il arrive qu’on propose des choses trop tôt, qui trouvent leur justification avec le temps. Aujourd’hui la Fédération du bâtiment s’intéresse à ce que nous proposons pour faire monter ses artisans en compétence.
Quelles sont les échéances à venir sur l’eau, en commençant par l’été à venir ?
Le syndicat supra a été créé et l’Agglo y adhère. On va désigner la gouvernance et créer un poste, car il y a de l’argent à aller chercher auprès de l’Agence de l’eau. Il y a un contrat de résilience pour 2023, avec des subventions importantes (jusqu’à 70 %) avec, pour priorité sur l’Agglo, de sécuriser Guéret.
Et comment fait-on pour sécuriser la ville ?
En construisant une nouvelle unité de captage et de traitement des eaux, à la place de celle qui existe au Syndicat de la Vallée des Deux-Creuse, actuellement saturée. Elle assurera la fourniture à tout le nord de Guéret. Ça verra le jour d’ici trois ans. En attendant, il faudra savoir consommer moins. Mais, ça devra être notre souci en permanence car la ressource va devenir de plus en plus rare.
(*) Même si Éric Correia refuse d’indiquer de quelle commune il s’agit, on parle de Saint-Vaury.
Propos recueillis par Eric Donzé