Ludovic Escande, Joe Thomas et Violette d’Urso : les livres à ne pas manquer
![Ludovic Escande, Joe Thomas et Violette d’Urso : les livres à ne pas manquer](https://www.lexpress.fr/resizer/-EIZYLiRYKtcTrKCzzsWQTf7FrU=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/DNXXITJXQJG23NU3BAP64CZWMQ.jpg)
Vers les hauteurs
Par Ludovic Escande
Allary Editions, 228 p., 18,90 €.
La note de L’Express : 3/5
![VERS LES HAUTEURS
PAR LUDOVIC ESCANDE](https://www.lexpress.fr/resizer/Kyv-4o7XLXyKxvC5IB9A1r4eAKs=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/ENB5DF36QNDS7J6SS2QTNJASQY.jpeg)
Il n’y a pas que le mont Blanc dans la vie. Avant de gravir les montagnes, on peut se faire la main (et le pied) en restant à Paris. Ce roman que l’on sent très autobiographique raconte comment l’éditeur Ludovic Escande s’est remis de son divorce en s’initiant à l’alpinisme urbain. Au début du livre, il traverse un léger passage à vide. S’installer seul dans un deux-pièces de la rue du Dragon ne lui remonte pas le moral. Heureusement, il peut compter sur son ami Vincent (qui ressemble fort à Sylvain Tesson) : cet écrivain casse-cou lui propose d’escalader son immeuble – puis Saint-Sulpice et autres façades.
Le double romanesque d’Escande n’est pas la réincarnation de Maurice Herzog : un peu pataud et mal équipé, le novice érafle le cuir de ses chaussures et déchire ses vestes. Peu à peu, l’ascension le grise : "Une partie inaliénable de mon bonheur se trouve là-haut." Il faut dire que Vincent sait illuminer la grisaille du quotidien. La nuit, une fois perchés sur les toits, les deux camarades ouvrent des bonnes bouteilles et lisent de la poésie. Ils rigolent aussi beaucoup. Dans un monde déshumanisé, ils ouvrent des voies vers une sorte de bohème en baudrier, comme si René Daumal s’équipait chez The North Face. Naturellement, les voisins d’Escande goûteront peu ses exploits de premier de cordée, et il faut aussi noter la drôlerie de ce livre touchant où un garçon sans histoire devient le soir un marginal. Au long de ces deux cent pages, Ludovic Escande réalise toutes ses cascades lui-même. On déconseille à ses lecteurs de les reproduire chez eux. Louis-Henri de La Rochefoucauld
Brazilian Psycho
Par Joe Thomas, Trad. de l’anglais par Jacques Collin.
Seuil, 592 P., 24 €
La note de L’Express : 3/5
![BRAZILIAN PSYCHO
PAR JOE THOMAS, TRAD. DE L’ANGLAiS PAR JACQUES COLLIN.](https://www.lexpress.fr/resizer/8v7ZbSK21io6eSzIvE-wnEX_mkI=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/YXDHT7CWIFCSZBKR3JAELSJYBQ.jpg)
2003, 2006, 2011, 2018. Quatre années dans l’histoire récente du Brésil. Quatre années durant lesquelles le pays bascule de l’enthousiasmante élection de Lula, porteuse d’espoirs pour les plus modestes, à la destitution de celle qui lui a succédé, Dilma Rousseff, pour manipulation des comptes publics, puis au triomphe du populiste Jair Bolsonaro. C’est dans cette "grande" histoire que Joe Thomas tisse patiemment son Brazilian Psycho en y glissant le destin d’une poignée d’habitants de São Paulo pour mieux faire ressortir le tragique, la violence et la corruption de la ville.
Tour à tour, il s’arrête sur l’avocate passionnée de social impliquée dans le détournement d’un programme destiné aux plus pauvres ; sur le gamin des rues qui grimpe les échelons de l’organisation mafieuse régissant sa favela ; sur l’ancien agent de la CIA chargé de blanchir l’argent de la corruption ; sur l’adjointe au maire de gauche emportée du mauvais côté. Le tout, sur fond d’enquêtes policières après la mort du directeur d’une école privée huppée (en 2003), puis après l’agression d’un homosexuel le soir de l’élection de Bolsonaro (en 2018). Mais qu’on ne s’y trompe pas, Brazilian psycho est moins un polar qu’un pur roman social qui raconte une époque et ses mutations, un pays et ses contradictions. La très belle photo de la couverture - une immense favela qui entoure des immeubles ultramodernes - en témoigne. Tous les personnages de Joe Thomas ne survivront pas à ces quinze années, on les perd sans plus d’émotions, imprégnés que l’on est, au terme de cette passionnante fresque, par la violence d’un pays où les vies humaines n’ont guère de prix. Agnès Laurent
Même le bruit de la nuit a changé
Par Violette D’Urso
Flammarion, 306 P., 20 €.
La note de L’Express : 3/5
![MÊME LE BRUIT DE LA NUIT A CHANGÉ
PAR ViOLETTE D’URSO](https://www.lexpress.fr/resizer/oiE3uoP5h9lD_09oLedsnWIcgUU=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/QI45AE7BPFBUZM77MNJNLDKKMY.jpg)
Au retour d’un voyage scolaire, Anna, six ans, apprend la mort de son père, victime d’une crise cardiaque dans une cage d’escalier. Cet homme évanescent, dont elle ne garde que de rares souvenirs, elle se contente longtemps de l’idéaliser. Jusqu’au jour où, à l’adolescence, elle se décide à partir sur ses traces. Une enquête qui lui révélera la face cachée de son géniteur, dans une Italie enchanteresse mais lourde de secrets… Avec Même le bruit de la nuit a changé, Violette d’Urso signe, à 23 ans, un premier roman d’inspiration largement autobiographique. Les premiers chapitres, d’une sobriété bouleversante, restituent à la perfection la violence du deuil, vécue à hauteur d’enfant : les dessins offerts par les camarades de classe, la panique devant le cercueil. La narratrice trouve les mots justes pour raconter le manque : "J’ai passé des années à être déçue par tout le monde parce que tout le monde n’était pas mon père." Quant au périple italien, des arcades de Bologne à une Naples chaotique en passant par le caveau familial romain, il baigne dans une lumière qui contraste avec la noirceur de l’existence paternelle.
Le récit n’échappe certes pas à quelques maladresses, comme des notations psychologiques tortueuses ou la succession de personnages à peine esquissés. De fait, le recours à la fiction semble un peu artificiel. Reste que ce voyage initiatique émeut par son charme doux-amer. Sans effacer le chagrin de la perte, Violette d’Urso y adjoint un amour lucide pour ce père auquel, découvre-t-elle, elle doit tant. Un hommage plein de grâce et de tendresse, qui marque l’émergence d’un véritable talent littéraire. Samuel Dufay