"Alain Delon Amours et mémoires" : un livre et un large panorama sur sa vie et sa carrière

Photos personnelles, anecdotes, témoignages de personnalités et de proches comme Brigitte Bardot, Jane Birkin, Bertrand Blier, Claudia Cardinale, Nicole Calfan, Nathalie Baye, Jean-François Delon, Sophia Loren… le livre paru aux éditions de La Martinière Alain Delon Amours et Mémoires offre aux lecteurs, un large panorama de sa filmographie et la possibilité de rentrer un peu plus dans l’intimité de l’acteur iconique.

"On m’a souvent proposé d’écrire mes mémoires… mais le plus  souvent, j’ai préféré donner la parole aux autres. Ce livre est issu d’une idée de Liliana Rosca, ma précieuse collaboratrice, et du travail de recherche de Denitza Bantcheva (*), qui connaît ma carrière aussi bien que moi. Elles y ont travaillé en toute liberté… je leur faisais confiance. Lorsque j’ai fini de lire le manuscrit, j’ai pensé que je n’avais pas eu tort", écrit Alain Delon dans la préface du livre rédigé par Denitza Bantcheva avec Liliana Rosca, Alain Delon, Amour et mémoires qui revient sur les principaux événements de sa vie.

"J’étais l’enfant d’un premier mariage, celui qui s’est mal passé, et j’emmerdais tout le monde. J’avais ma place nulle part", confiait Alain Delon dans un entretien avec Jean-Marc Lalanne des Inrockuptibles en juin 2019. Un sentiment confirmé par son demi-frère, Jean-François Delon "Alain a très mal vécu la séparation de ses parents alors qu’il n’avait que 4 ans. Placé dans une famille d’accueil, il a eu une enfance très agitée et a fait les quatre cents coups."

Alain Delon Amours et Memoires paru aux édition de La Martinière. Crédit photo La Martinière.

À quinze ans, Alain Delon prend la route avec un copain qui a de la famille aux États-Unis. Ils tentent de rejoindre Bordeaux en auto-stop, espérant s’y embarquer pour Chicago. Mais l’aventure tourne court. "Les gens ont découvert que nous faisions une fugue. Notre voyage en Amérique s’est arrêté au commissariat de Châtellerault."

"Alain Delon est le dernier monstre sacré du cinéma français, connu dans le monde entier", relate Denitza Bantcheva qui a eu accès à des documents inédits, des lettres, des photos prêtés par l’acteur et qu’elle nous partage. "La longévité de sa carrière est due à l’intemporalité de son jeu et de sa beauté", selon l’auteure qui a sélectionné un large panorama de sa carrière avec une quarantaine de films remarquables.

On y retrouve aussi bien les chefs-d’œuvre internationalement reconnus, Le Guépard, Le Samouraï ou Monsieur Klein que des grands films plus confidentiels tel que L’Insoumis et Le Professeur et un certain nombre de productions devenues culte au fil du temps comme Mélodie en sous-sol, Le Clan des Siciliens et Borsalino.

"À partir des années 90, les films remarquables où Delon a joué sont restaurés pour ressortir en salles et édités sur des supports numériques en Europe, en Russie, au Japon, mais aussi en Amérique", précise Denitza Bancheva.

"Le regain d'intérêt est particulièrement frappant aux États-Unis où l'on constate que même des œuvres mineures de la filmographie de Delon sont remises en valeur."

À 18 ans, Alain Delon devance l’appel et part en Indochine. À son retour, il vit de petits boulots parfois dans des quartiers malfamés. C’est son histoire d’amour avec l’actrice Brigitte Auber qui lui ouvre les portes du cinéma. "Un jour on marche dans la rue avec mon père, et là on voit l’affiche de Quand la femme s’en mêle, avec en bas le nom, Alain Delon. C’est ainsi qu’on a appris qu’il était devenu acteur ", raconte Jean-François Delon.

L’acteur se souvient des instructions d’Yves Allegret alors qu’il allait tourner sa première scène “Quand la caméra va tourner, parles comme tu parles, regarde comme tu regardes, souris comme tu souris, bouge comme tu bouges, ne joue pas, sois toi et personne d’autre que toi.”  Une phrase qui a été une révélation pour l’acteur, "c’est fou comme parfois une phrase peut vous servir de clé pour toute une vie. "

Au-delà de sa filmographie, les auteures du livre ont recueilli des témoignages inédits des femmes de sa vie. Celui de Romy Schneider qu’il a rencontré en 1958 sur le tournage de Christine : "L’homme le plus important de ma vie fut et reste Delon… ", celui de celle qui deviendra sa femme, Nathalie Delon : "Lorsque je l’ai connu, il avait 28 ans, le talent que tout le monde applaudissait, il était beau et drôle. Il n’était pas difficile à vivre, il était simplement turbulent… " Pour Claudia Cardinale, partenaire de l’acteur dans Rocco et ses frères, Le Guépard et Les centurions "l’aventure du Guépard nous a liés à jamais "… "Il est unique, incontournable, professionnel, passionné, taciturne… homme de parole ", disait Nicole Calfan qui a joué à ses côtés dans Borsalino et Le Gang de Jacques Deray. 

"C'est en faisant Plein le soleil que j'ai appris ce que c'est qu'être acteur." crédit photo Getty  

Des réalisateurs, scénaristes témoignent du professionnalisme de Delon. "Alain est le fauve du cinéma français", raconte Costa-Gavras.  Jean-Pierre Melville qui lui a donné un rôle dans Le cercle rouge en 1970, disait : "Il est la dernière star que je connaisse ; cela va de soi pour la France, mais je me réfère au monde entier."  Bertrand Blier aime à dire que " c’est un très grand acteur, on peut faire des films à l’infini avec lui parce qu’il a beaucoup de talent… il a appris le métier avec les plus grands metteurs en scène, Visconti, Clément… "

On découvre les premiers pas d’Alain Delon au théâtre dans Dommage qu’elle soit une putain avec Romy Schneider. "Au début des représentations, j’étais à côté de mes pompes… J’ai mis deux ou trois mois à trouver la mesure et à la fin j’étais bien, je crois."

Quelques années plus tard il accepte de jouer dans Les yeux crevés de Jean Cau, puis remonte sur les planches en 1996 dans Variations énigmatiques d’Emmanuel Schmitt qui sera un triomphe, en 2004 pour Les Montagnes russes, en 2007 dans Sur la route de Madison avec Mireille Darc en 2008 dans Love letters avec Anouk Aimé. "Je me suis rendu compte qu’il était un grand comédien, pas seulement un grand acteur", dira un directeur de théâtre.

À la télévision il fut un pionnier. "Sa première participation à un téléfilm remonte au début des années 1960. À cette époque, les grandes vedettes du cinéma français rechignaient à jouer pour le petit écran", note l’auteure.

(*) Denitza Bantcheva a publié des romans, des récits, des poèmes et des livres sur le cinéma dont les ouvrages de références Jean-Pierre Melville: de l’œuvre à l’homme, René Clement et Un florilège de Joseph Losey.

Muriel Pommerol