Pollution automobile : pourquoi certains pays de l’UE s'opposent au durcissement des normes
Quel est le point commun entre la France, l’Italie, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie ? Ces huit pays de l’Union européenne (UE) ont exprimé ce lundi 22 mai leur opposition au durcissement des normes de pollution automobiles proposé par Bruxelles.
L’UE a acté récemment la fin des ventes de voitures neuves essence et diesel à partir de 2035, au profit des véhicules 100 % électriques. Il s’agit de réduire à zéro les émissions automobiles de CO2 pour contribuer à l’objectif de neutralité carbone du continent à l’horizon 2050.
Sur le volet pollution, la Commission européenne a présenté en novembre 2022 ses propositions pour la nouvelle norme. Celle-ci, baptisée Euro 7, devrait s’appliquer à tous les véhicules particuliers à partir de 2025 quelle que soit leur motorisation, afin de réduire la pollution de l’air liée au transport routier, ce dernier étant responsable de 70 000 décès chaque année dans l’UE.
Un frein aux investissements ?
"Nous nous opposons à toute nouvelle règle sur les gaz d’échappement (y compris de nouvelles obligations sur les conditions de tests ou de nouvelles limites d’émissions) pour les voitures et les utilitaires légers", ont écrit dans un document de travail les Etats opposés à ce texte, dont la France et l’Italie qui abritent une importante filière automobile. "Ces nouvelles règles freineraient les investissements nécessaires de l’industrie dans la transition vers le zéro émission", estiment-ils, jugeant aussi l’échéance de 2025 trop rapprochée.
L’Allemagne, de loin la première puissance automobile européenne, n’a pas signé le texte, mais elle s’est inquiétée à plusieurs reprises de l’impact du durcissement des normes pour ses entreprises. Le gouvernement de coalition peine à trouver une ligne commune entre sociaux-démocrates, libéraux et Verts.
Selon les calculs de l’exécutif européen, la norme Euro 7 permettrait notamment de réduire de 35 % les émissions d’oxydes d’azote (NOx) des voitures particulières et utilitaires légers, et de 56 % celles des bus et camions d’ici à 2035, par rapport à la norme précédente Euro 6.
"Etre raisonnable et pragmatique"
Cette nouvelle norme est également contestée par l’industrie automobile, qui juge son bénéfice environnemental limité par rapport à son coût. Confrontée à des investissements massifs pour développer leur nouvelle gamme électrique face à la redoutable concurrence de Tesla et des constructeurs chinois, elle veut éviter des investissements additionnels dans les motorisations thermiques de toutes façons vouées à disparaître. La filière automobile emploie environ 13 millions de personnes en Europe.
"De nombreux pays se sont joints à l’Italie pour demander à la Commission d’être raisonnable et pragmatique" sur la future norme Euro 7, s’est félicité ce lundi le ministre italien des Entreprises, Adolfo Urso, cité par des médias italiens.
Le durcissement proposé par la Commission européenne était pourtant jugé insuffisant par les défenseurs de l’environnement, qui accusaient déjà Bruxelles de céder au lobby automobile. La Commission a notamment proposé de modifier les conditions de tests d’émissions de gaz polluant des véhicules pour les rendre plus conformes aux conditions réelles de conduite, mais sans modifier les seuils imposés aux voitures essence et en abaissant seulement légèrement ceux des véhicules diesel. Ces seuils seraient toutefois significativement réduits pour les poids lourds, un autre point contesté ce lundi par les huit pays signataires, qui évaluent ces objectifs "trop ambitieux".
Les Etats membres de l’UE, très divisés sur le sujet, doivent tenter de trouver une position commune avant des négociations qui s’annoncent très compliquées avec le Parlement européen.