Vaccin anti-Covid : pourquoi l’UE a renégocié son contrat avec Pfizer
Plus d’un an de négociations. Ce vendredi 26 mai, la Commission européenne a annoncé avoir renégocié son contrat avec le géant pharmaceutique américain Pfizer portant sur les vaccins à ARN messager contre le Covid-19. "Si le Covid-19 n’est plus une urgence sanitaire mondiale, il n’en reste pas moins une menace qui risque de perdurer. Il est donc essentiel que nous soyons prêts pour les années à venir", a déclaré Stella Kyriakides, la commissaire européenne à la Santé et à l’Alimentation.
Qu’est ce qui a changé ? Selon la Commission, Pfizer a accepté d’étaler les livraisons sur les quatre prochaines années jusqu’en 2027. Le nombre total de doses, jugé trop important par certains pays membres, a également été réduit par rapport aux 450 millions initialement prévus. Mais aucun nouveau chiffre n’a été annoncé. Autre information qui n’a pas été dévoilée, protégée par le secret des affaires : le prix d’achat. Toutefois, une option a été payée pour pouvoir bénéficier de plus de doses en cas de besoin, a précisé la Commission.
Des critiques s’élèvent depuis plusieurs mois à propos du flou entourant les discussions entre Pfizer et la Commission. En janvier dernier, des députés européens avaient demandé que transparence soit faite sur les contrats passés avec Pfizer, sans succès. "L’échec de la Commission et de Pfizer à remédier au manque de transparence montre un mépris du rôle du Parlement européen et jette une ombre inutile sur le succès de la stratégie vaccinale européenne", avait alors réagi sur Twitter la députée belge Kathleen Van Brempt.
Une opacité qui alimente la polémique
Révélés par le New York Times en avril 2021, les termes du précédent contrat avaient fait scandale. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait été accusée d’une trop grande proximité avec le PDG de Pfizer. Les deux auraient, selon le quotidien américain, négocié un contrat de 1,8 milliard de doses directement par SMS. Le contenu des messages n’a jamais été dévoilé, alimentant les fantasmes.
Les dirigeants de l’UE ont d’ailleurs dû se justifier à plusieurs reprises. "La présidente de la Commission n’a été impliquée dans aucune négociation de contrats. Je l’ai déjà dit et je le redirai", avait insisté fin mars la commissaire Stella Kyriakides face aux nombreuses questions des députés européens à ce sujet. Et de rappeler que tous les contrats, avec Pfizer ou autres laboratoires, avaient suivi le processus législatif. "Il y avait une équipe conjointe de négociations et un comité de pilotage", précisait-elle.
Les trois quarts de la population adulte en Europe ont reçu une dose de Pfizer dans le bras, renforçant encore la position de force du fabricant pharmaceutique sur le marché. Au total, l’Union européenne a acheté 4,6 milliards de doses pour les 447 millions d’habitants qu’elle compte. Soit près de dix doses par habitant. Si le premier contrat a permis une vaccination massive et le recul de l’épidémie de Covid-19, certains pays se sont retrouvés avec des doses en trop sur les bras. Début mars, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie et la Lituanie, confrontés à un excès de stock, se sont associés pour refuser les livraisons de Pfizer.
Devant la Commission européenne, ces pays, par la voix de leur ministre de la Santé, avait demandé la conclusion d’un nouvel accord plus équitable dans l’intérêt du public. "La Commission devrait chercher des occasions de négocier davantage avec Pfizer, en particulier sur les paiements en cas de non-livraison, la réduction du nombre de doses sous contrat, ou alors prendre l’initiative elle-même et acheter des vaccins excédentaires aux Etats membres pour en faire don aux régions dans le besoin", ont-ils déclaré.
Face au trop-plein de doses, certains Etats avaient même dû jeter des doses arrivant à leur date de péremption. En Suède notamment, les médias locaux ont rapporté que "près de 8,5 millions de doses de vaccin Covid" ont été jetées, soit "près d’un cinquième de tous les vaccins achetés en Suède jusqu’à présent". Le coût estimé est de "1,5 milliard de couronnes suédoises" (environ 136 millions d’euros), indiquait la radio publique Sveriges Radio AB. En Espagne, fin 2022, plusieurs médias, dont le quotidien El País, révélaient qu’environ 14 millions de doses de vaccins anti-Covid devaient être détruites pour cause de péremption.