Grève au JDD, qui craint son extrême droitisation

La grève a été votée pour 24 heures à 99% (77 pour, 1 contre, 5 qui ne se prononcent pas) et est reconductible. On ne sait donc pas encore si le JDD sortira dimanche.

"La rédaction du JDD a appris avec stupéfaction ce jeudi l'arrivée pressentie de Geoffroy Lejeune à la tête de la direction générale du journal, en remplacement de Jérôme Béglé. Nous nous opposons avec force à cette nomination", a indiqué sa Société des journalistes (SDJ) dans un communiqué.

La grève a été approuvée par "l'ensemble des services".

La possible arrivée de M. Lejeune avait été dévoilée quelques heures plus tôt par le journal Le Monde. Selon la SDJ du JDD (Journal du dimanche), la direction ne l'a pas démentie.

Sollicitée par l'AFP, la direction de Lagardère, groupe auquel appartient le JDD, n'a souhaité faire aucun commentaire. Lagardère vient d'être absorbé par Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré aux opinions réputées ultra-conservatrices.
Sidération
Ces dernières années, M. Bolloré a été accusé d'utiliser les médias qu'il contrôle (dont les télévisions CNews et C8, la radio Europe 1 ou le magazine Paris Match) pour promouvoir ses opinions, ce dont il se défend.

C'est pourquoi la perspective de l'arrivée de M. Lejeune inquiète au JDD.

"Tout le monde est sous le choc, sidéré", a déclaré un journaliste à l'AFP.

"Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de l'hebdomadaire d'extrême droite Valeurs actuelles, exprime des idées à l'opposé des valeurs que porte le JDD depuis soixante-quinze ans", a estimé la SDJ, rappelant la condamnation pour injure à caractère raciste envers la députée LFI Danièle Obono.

Selon elle, "il en va de même de Charlotte d'Ornellas - figure de la droite réactionnaire et proche des idées d'Éric Zemmour -, dont l'arrivée est pressentie également".

"Nous refusons que le JDD emprunte cette voie. Le JDD n'est pas un journal d'opinion", a-t-elle martelé.

Dans un média, la SDJ est une association dont les membres sont élus par leurs pairs et qui veille aux questions de déontologie et d'indépendance.

Geoffroy Lejeune a récemment été renvoyé de Valeurs actuelles sur fond de désaccords avec son propriétaire, à propos de la ligne éditoriale très à droite du journal.

Âgé de 34 ans, cet ami de Marion Maréchal et proche d'Eric Zemmour, dont Valeurs actuelles a soutenu la candidature à la présidentielle de 2022, avait annoncé son éviction lundi après 12 années au sein de l'hebdomadaire, dont sept à sa tête. Il avait promis à ses soutiens de les retrouver "bientôt ailleurs".
"Empire de propagande"
Son arrivée au JDD "serait une excellente nouvelle", s'est réjoui sur Twitter Samuel Lafont, le porte-parole de Reconquête!, le parti d'Eric Zemmour.

A l'inverse, cette hypothèse a suscité des protestations à gauche.

"Il ne s'agit pas seulement de concentration économique, avec Bolloré il s'agit de la construction d'un empire de propagande pour la droite extrême et ses valeurs de haine", a jugé le socialiste David Assouline, rapporteur de la récente commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias.

Des remous agitent les trois principales rédactions du groupe Lagardère (Europe 1, le JDD et Paris Match) depuis que Vivendi en a pris progressivement le contrôle, et ce bien avant le feu vert officiel récemment obtenu de la Commission européenne.

L'annonce d'un rapprochement entre les rédactions de Europe 1 et CNews au printemps 2021 avait déclenché un mouvement de grève historique au sein de la radio, se soldant par une hémorragie de départs.

Depuis octobre 2021, plusieurs remaniements ont touché les directions de Paris Match et du JDD. Beaucoup y ont vu la main de Vincent Bolloré.

A l'annonce de la grève, la SDJ de Paris Match a assuré de son "total soutien" ses "confrères du JDD".

La semaine dernière, la Commission européenne a indiqué examiner des soupçons de prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi avant l'obtention du feu vert officiel.