Aurélien Rousseau, Marc Ferracci, Fiona Scott Morton… La transparence n’a pas toujours du bon
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La sacro-sainte transparence, devenue l’autre nom de la vertu, s’impose, on le sait, à tous ceux qui, insensés, prétendent servir tantôt les institutions publiques, tantôt les entreprises privées. Déclarations à la virgule près, striptease patrimonial, exposition médiatique méthodique : la transparence est le panopticon du voyeurisme public. Jadis on étendait à la fenêtre les draps des mariés de la veille pour attester par quelque maculation caractéristique que la jeune épousée n’avait point fauté avant de convoler, aujourd’hui on exhibe des chiffres dans des cases fébrilement remplies pour déterminer la virginité morale des aspirants aux hautes fonctions publiques. Il faut vraiment être François Hollande pour se réjouir, en docteur Frankenstein de la démocratie française, de la prospérité des monstres inquisitoires qu’il a créés, au point de souhaiter que nos voisins européens s’en inspirent. Las, sa joie bonhomme d’avoir sauvé les bonnes mœurs au sein des institutions publiques vient de se heurter à quelques épisodes singuliers.
D’abord, c’est la nomination d’Aurélien Rousseau comme ministre de la Santé qui a inspiré des soupçons sur le conflit d’intérêts que représenterait le fait que son épouse occupe les fonctions de n° 2 de l’Assistance publique, sous tutelle dudit ministre. Les déontologues saisis ont indiqué que l’emploi de l’épouse étant public, aucun conflit d’intérêts n’était possible (remarquons au passage que, pour ces instances, le vice commence où finit le règne de l’administration, mais passons). N’empêche, la pression augmente ; des commentaires acerbes fusent. Un mécanisme certainement fastidieux de déport est en cours de préparation, qui sera malaisé à appliquer.
Ensuite, c’est le parlementaire Marc Ferracci, un des meilleurs spécialistes français du marché du travail, qui s’est vu soupçonner par Blast d’être en conflit d’intérêts en se faisant le rapporteur du projet de loi pour le plein-emploi : il est actionnaire d’une entreprise dirigée par son père dont Blast estime qu’elle tirera des bénéfices du nouveau dispositif. L’entreprise en question a certes attesté n’être pas en lien d’affaires avec les entités publiques concernées par la loi, le déontologue de l’Assemblée nationale eut beau donner son feu vert, Marc Ferracci n’a eu d’autre choix que de renoncer afin de préserver ce projet de ces interférences médiatiques, et de préparer ses plaintes en diffamation.
Et puis, ce fut madame Scott Morton, une Américaine que la commissaire Vestager aurait bien aimé nommer à la direction générale de la concurrence à Bruxelles. Hélas, madame Scott Morton est américaine, a travaillé pour le gouvernement Obama, et a été consultante pour diverses firmes des Gafa. Conflit d’intérêts, là encore, pressenti à tous les étages. Rien, certes, ne vient attester que Fiona Scott Morton se fût conduite en cheval de Troie des Gafa. Certains éléments laissent à penser qu’elle possède sur le sujet des compétences plutôt rares. Et que, de toute façon, le projet européen ne saurait être d’évincer totalement les Gafa de l’horizon digital, mais de les réguler intelligemment. Peu importe, madame Scott Morton vit son procès instruit rapidement, et renonça.
Dans les trois cas, nous avons affaire à des personnalités qui ont choisi l’Etat, parfois après avoir servi dans le privé mais pas toujours, pour faire avancer les choses, et qui démontrent dans cette ambition à la fois leur goût de l’intérêt général et leur préférence pour des emplois assurément moins lucratifs. Dans les trois cas, on renifle le vice à l’œuvre, on piste les méfaits, on suppute l’infamie. Oui, nous sommes en train de désapprendre complètement à respecter voire admirer de tels parcours, qui, il n’y a guère, eussent encore suscité un vif intérêt et un certain respect. Délaissant la considération des mérites, on imagine des combines, des coups arrangés, des confidences indues, et même on les désire, pour attester la corruption des élites, et alimenter en retour la machine à fantasmes populiste. Ce n’est même plus un affrontement entre public et privé, c’est un rabougrissement programmé des compétences mises au service de l’action politique, que tant de soupçons éloignent et écœurent. C’est la défiance comme mode de régulation politique. Vertuisme partout, éthique nulle part. Allons, consolons-nous ! Il nous reste, pour assumer les fonctions les plus éminentes avec la compétence la plus reconnue et la morale la plus infrangible, le toujours fringant François Hollande !