En Auvergne, cette fleur subalpine ne se trouve qu'au sommet du Livradois Forez

Histoire, botanique, tourisme : cet été, partez à la découverte des Hautes Chaumes dans toute leur diversité. Cette semaine, La Gazette vous mène au plus près de la faune et flore de l’étage subalpin sur les sommets du Forez.

Elles s’observent dès la sortie de Thiers, et jusqu’à très loin plus au sud, depuis son voisin proche, le plateau du Livradois, ou bien des volcans qui ne semblent lui prêter attention, majestueux, un peu trop fiers. Les Hautes Chaumes ont un tout autre caractère, pas moins bien trempé.

10.000 hectares de landes et de pelouse, entre le Béal et les Pradeaux où constellent des éboulis granitiques, le tout cerclé, en contrebas, de massifs forestiers anciens. Une impression d’être hors du temps, loin de tout pour quiconque accède au paisible royaume par les cols des Supeyres, Baracuchet, etc.

Un lieu où l’on s’empresse de monter, où l’on traîne les pieds lorsqu’il faut redescendre.

C’est dans cet univers protégé que se cachent des trésors de faune et de flore. Parmi les centaines d’espèces qui composent, tel un tableau impressionniste, une lande à la palette de vert tirant vers l’infini, se cache les plus précieuses d’entre elles, les plus rares. Les espèces subalpines.

Subalpines ? Un adjectif accolé à ces spécimens qui évoluent à une certaine altitude, uniquement (à partir de 1.400 mètres pour le Forez) et qui se concentrent sur des surfaces très limitées, au plus haut des Hautes Chaumes. "Pierre-sur-Haute, la montagne de Monthiallier et une partie du plateau de Pegrol", présente Jean-Claude Corbel, chargé de mission espèces et activités de pleine nature au Parc Naturel Régional du Livradois-Forez.

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Au plus haut du massif, au pied de la base militaire, le spécialiste s’active depuis une dizaine de minutes. Dans la lande encore humide, aux premières heures de la journée, il avance minutieusement dans la végétation qu’il scrute scrupuleusement à la recherche de cette fleur si rare, qu’elle n’existe nulle part ailleurs dans le Massif central. Son nom : l’Homogyne des Alpes.

La voici enfin. Au pied d’un rocher, Jean-Claude dégage la lande autour du spécimen floral, long d’une quinzaine de centimètres, très fin. Sa fleur, un peu rabougrie en ce milieu d’été, n’a plus cette couleur rougeâtre qu’on peut observer plus tôt dans la saison. La rencontre est tout de même émouvante, presque improbable.

Comment une espèce à l’allure aussi chétive peut-elle vivre dans un environnement aussi rude. Comment est-elle arrivée ici ?

Lors de la fin de la dernière période glaciaire, il y a plus de 10.000 ans, le climat s’est réchauffé et cette plante qui se développait aussi et jusqu’alors à des altitudes plus basses, s’est retrouvée isolée sur les sommets, à l’étage subalpin.

À première vue, cette Homogyne des Alpes, qu’on retrouve dans les Alpes ou les Pyrénées, n’a pas l’allure princière d’une Edelweiss (qu’on ne trouve pas dans le Forez). Certes, mais cette reine des sommets, espèce protégée, comme d’autres plantes subalpines ou non, donne à ces Hautes Chaumes un caractère unique. Et l’impression pour le marcheur qui la débusque d’un instant tout aussi solennel.

Pas qu’une impression d’ailleurs car l’Homogyne a ses jours comptés. Avec le réchauffement climatique, ces espèces de hautes montagnes voient leur fin inéluctable approcher après des millénaires de règne au sommet. « Difficile de savoir quand, avoue Jean-Claude Corbel. Mais le phénomène a déjà débuté depuis longtemps et nous observons les espèces de l’étage montagnard, juste en dessous, remonter à ces altitudes. »

Pour l’heure, l’Homogyne des Alpes n’a pas dit son dernier mot. Suivie depuis le début des années 2000, elle connaît une "belle saison".

Observée les toutes premières fois au sein de la base militaire, au sommet de Pierre-sur-Haute, elle s’est, contre toute attente, développée au sein de la station et même au-delà. Des observations rendues possibles grâce à la mise en place d’unités de mesure (quadrillage) dans la station militaire qui, par son statut, défend sans le vouloir vraiment, la reine des sommets de la présence de l’homme et des animaux de pâture. Une espèce bien protégée en quelque sorte.

La Miramelle. Ne pouvant voler, l’espèce est, à l’instar des autres subalpines, contrainte par son milieu naturel. En d’autres termes, les criquets actuels sont les descendants des mêmes lignées et ce depuis des millénaires. De quoi modifier leur code génétique par rapport, notamment à leurs cousins du Sancy ? C’est probable.

Barbitiste ventru. L’espèce de sauterelles, présente elle aussi uniquement à ces hauteurs, impressionne par sa taille (jusqu’à 4,5 cm). Elle est adepte des feuilles de gentiane. « Des plantes à longues feuilles qui jouent un rôle dans la dissémination des sons produits par les mâles », explique Jean-Claude Corbel.

Apollon du Forez. Si vous le trouvez, faites le savoir car cette sous-espèce du papillon Apollon n’a pa été officiellement observée depuis quelque temps ce qui fait craindre sa disparition dans le Forez. La déprise agricole, notamment près des rochers où il s’abrite, aurait pu lui être fatale, lui qui craint particulièrement le recouvrement arbustif.

Lycopode Sélagine. La plante vivace, de taille moyenne, ne paye pas de mine. Et pourtant, elle est si rare, qu’elle impressionne même les professionnels. « Un botaniste est resté bouche bée à sa rencontre et m’a assuré que j’avais une chance incroyable de travailler dans ce secteur », sourit Jean-Claude Corbel.

Yann Terrat