La station militaire de Pierre-sur-Haute à travers le regard de ceux qui la côtoient
Sa tour relais Télédiffusion de France (TDF) a des allures de cornet de glace. Deux autres tours militaires et un bâtiment de vie complètent l’ensemble. Perchée au plus haut point des monts du Forez, à quelque 1.635 mètres d’altitude, la station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute est posée, là, comme un paradoxe.
Mais pourquoi donc un site militaire ultra-sécurisé au milieu de cette lande sauvage et sans contrainte ?
Pas facile de percer les mystères de ce site balayé par les rafales au beau milieu de la lande, qu’une seule route, accessible sous conditions drastiques, permet de relier au col du Béal. Les documents sont rares, les témoins également. Certains parlent sous couvert en prévenant : "En 2013, la télévision régionale TL7 (Loire) a diffusé une vidéo du site avec des informations confidentielles, la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) a cherché à censurer le site Wikipédia. Depuis, il est impossible d’obtenir une autorisation de reportage", avance un homme qui préfère rester anonyme.
Première construction en 1915Retour en arrière. Pour connaître son histoire, il faut remonter plus de cent ans en arrière lorsque l’État rachète près de 30 hectares au sommet de Pierre-sur-Haute, en 1907. En 1915, à la construction d’un télégraphe optique s’ajoute celui d’un premier bâtiment en pierre. En 1961, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) confie à l’armée de terre la création et la gestion d’une station hertzienne. Celle-ci intègre un ensemble de 82 stations de transmission réparties en Europe dans le cadre du réseau Allied Command Europ (ACE) high. L’antenne TDF (Samu, Renseignements généraux, gendarmerie, Croix rouge, Sivom d’Ambert, etc.) de 55 mètres est érigée en 1975 et la physionomie du site est modifiée considérablement entre 1984 et 1985. "On a à l’époque démonté les quatre antennes paraboliques que les gens appelaient les “oreilles de Mickey” et qu’on pensait à tort être des radars alors qu’il s’agissait d’antennes paraboliques", précise l’auteur d’un court document sur le site militaire.
Aujourd’hui, le commandement du site serait sous la responsabilité de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi) comme le précise le site Wikipédia. Voilà pour l’histoire "officielle" d’un site classé comme "infrastructure de haute sécurité" sous protection nucléaire, bactériologique et chimique. De quoi éloigner les curieux, à l’entrée des grilles de la station sous laquelle auraient été creusés près de 400 mètres de tunnels et qui disposerait de réserve d’eau et d’électricité. De quoi voir venir.
Mais à la loupe, cependant, le site n’est pas si hermétiquement fermé à son environnement extérieur. "Nous avions de très bons rapports avec le commandement qui nous donnait les autorisations nécessaires dans le cadre de notre activité professionnelle", explique cet homme.
Une route ouverte à tous chaque dernier dimanche en aoûtDes militaires qui sont loin de vivre en vase clos dont certains habiteraient même à proximité des lieux. Été comme hiver, ils empruntent la seule route d’accès depuis le Béal. Un axe qui a fait l’objet d’assouplissement en termes de réglementation, preuve d’une intelligente cohabitation. "Des arrêtés municipaux avaient été pris pour interdire l’accès aux véhicules motorisés sur les Hautes Chaumes à une époque où beaucoup empruntaient cette route militaire. Cette interdiction avait été mal comprise, il y a eu plus tard une convention qui autorise, encore aujourd’hui, les propriétaires riverains à emprunter la voie", explique un témoin.
Cette même route est ouverte à tous chaque dernier dimanche du mois d’août. Quand le site était encore sous la direction de l’Otan, il n’était pas rare pour les riverains de voir passer des véhicules immatriculés en Belgique, pays où siège l’organisme depuis 1966. En cas de neige, un véhicule chenillé transporte toujours les militaires du col du Béal au site sécurisé.
Pour finir, ouvrage bétonné sur une zone classée Natura 2000, la station a forcément ses détracteurs. Mais contre toute attente, le site s’avère au fil des ans un formidable sanctuaire pour la biodiversité. "C’est un espace qui n’est ni fréquenté par l’homme ni par les animaux d’élevage et de pâture ce qui permet à une certaine flore comme la fleur Homogyne alpina de pousser », explique un spécialiste. Une fleur rare derrière les grilles, inaccessible aux promeneurs, protégée en quelque sorte, et c’est peut-être mieux ainsi. Quant aux hommes présents sur le site, le savent-ils seulement ? Ils pourraient être les premiers à vivre sur ce bout de terre au sommet du Forez. "Nous sommes allés faire des recherches à proximité et n’avons trouvé aucune trace d’habitation aux alentours", assure cet archéologue.
150 ème anniversaire pour la croix de ferEnfin voici une petite histoire nichée dans une plus grande.. Érigée en 1873 au sommet de Pierre-sur-Haute, une croix en fer offerte par l’aumônier Tixier du château de Barante près de Dorat est toujours en place 150 plus tard, dans l’enceinte de la station militaire au sommet du Forez. Forgée par Louis Coste, maréchal-ferrant à Job, la croix avait, gravée sur son socle, une inscription qui aujourd’hui a disparu : "Passant vers cette pierre, au pied de cette croix, fais une prière, Dieu entendra ta voix. "
Yann Terrat
Communiqué. Contacté, le service de communication du Ministère de la défense a répondu en ces termes : "Le site étant classé, on ne peut communiquer dessus, à la fois sur les missions mais aussi sur le personnel qui y travaille et toutes autres informations. "