Irrigation, réutilisation, stockage... Quelles sont les solutions pour assurer les ressources en eau des agriculteurs ?
Les agriculteurs concernés par l'alerte sécheresse doivent restreindre leur usage de l'eau, notamment l'irrigation. Pour le président de la Chambre d'agriculture de Haute-Loire, Yannick Fialip, la situation nécessite une réflexion plus globale.
Avec les températures caniculaires, l’alerte sécheresse a été décrétée sur le département le 17 août. Des restrictions d’usage de l’eau, notamment pour l’irrigation, impactent les agriculteurs. Le président de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire, Yannick Fialip, s’interroge sur cette situation problématique.
Dans quelle situation se trouve la Haute-Loire ?
Il continue de faire chaud. Il ne pleut pas. Le débit des cours d’eau se réduit. Les sols du Brivadois, peu profonds, sont sujets à des stress hydriques très rapides. Les pluviométries moyennes en montagne arrivent à 800-900 L/an/m². Sur le Brivadois, on était à 600 ces dernières années. Là, on est en train de passer en dessous de 450. Soit des pluviométries semi-désertiques, mal réparties sur l’année.
Quels sont les usages de l’eau en agriculture ?
L’irrigation, visible, n’est pas la principale source de consommation. L’abreuvement des animaux reste très important. Des bâtiments pour animaux – porcs et veaux – ont aussi besoin d’être lavés une fois les animaux partis.
Combien de surfaces sont irriguées en Haute-Loire ?
Moins de 5 % des surfaces en Haute-Loire sont irriguées. Cela reste une faible proportion. La France arrose entre 7 et 8 % des surfaces agricoles. L’Espagne est à 15 %. Dans les années à venir, nous allons certainement avoir le climat de l’Espagne. Il va falloir être prêt à recourir à l’irrigation. C’est une solution. Il y en a d’autres : travailler sur la génétique des plantes, sur les espèces ou les rotations.
Quelle attention est portée sur l’irrigation ?
Il y a des contrôles de l’Office français pour la biodiversité (OFB). On essaie d’alerter le plus possible. Si un agriculteur arrose en pleine journée, avec du vent, sous des températures élevées, il y a des pertes aux alentours de 10-15 %.
En Haute-Loire, la météo de la fin du mois d'août atteint des maximales élevées
L’irrigation agit par aspersion. Cela donne l’impression d’une grosse perte d’eau. En réalité, c’est faible. L’eau provient principalement de cours d’eau ou de stockages hivernaux à travers la retenue collinaire. Le seul but est d’avoir des plantes qui pousseront pendant la période estivale. C’est essentiel pour nourrir nos animaux, et derrière, la population.
Les agriculteurs sont inspectés par les services de l’État qui rendent un avis positif ou négatif.
On travaille avec de la mécanique. Il arrive qu’il y ait une panne la nuit. L’arroseur, lancé, finit sa tournée en journée. Il ne faut pas voir l’irrigation comme une action privée de l’agriculteur pour utiliser l’eau. Il s’en passerait. C’est du temps de travail, de l’énergie, de l’électricité. Ce sont des coûts supplémentaires.
Comment a été préparé le passage au seuil d’alerte ?
Depuis un an, la Chambre d’agriculture édite des bulletins d’irrigation tous les dix jours environ. Il donne des éléments techniques : quand irriguer, la pluviométrie des dernières semaines, les prévisions. On avertit les agriculteurs lorsqu’il y a des arrêtés préfectoraux.
Quels sont les risques de la sécheresse sur les récoltes ?
Certains agriculteurs n’ont pas rempli leur retenue collinaire pendant l’hiver. Ils ont perdu 30 à 40 % de leur récolte, faute de pluie. Dans le cas d’une restriction de l’utilisation de l’eau de l’Allier à l’arrosage dès le mois de juillet, ou une récession assez forte sur la durée d’irrigation, voire une interdiction fin août, il y aura une baisse de production derrière de 10 à 30 %. Les surfaces en prairie naturelles sont grillées par les rayons du soleil. On a une perte de la motte herbagère et des semences fourragères. Les prairies se dégradent. Les feuilles des arbustes se dessèchent dès le mois d’août. Des arbres perdent leurs feuilles du fait d’une pluviométrie sèche. C’est le coup de chalumeau. Comme s’il y avait eu un incendie. Cela n’altère pas la production en cours, mais celle de l’année suivante.
Quels accompagnements sont proposés ?
Depuis un an, il existe un système d’assurance pour la perte de fourrage.
Quelles peuvent être les solutions ?
De plus en plus d’agriculteurs essayent de faire des forages. D’autres récupèrent les eaux des toits. Il faut pouvoir stocker dans une citerne à grande capacité. Les eaux de lavages des bâtiments comme les installations de traite peuvent aussi être réutilisées. Des programmes de recherche sont en cours. Il n’y a pas de solution miracle.
Propos recueillis par Lucile Bihannic