Au lycée Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, entre élèves et professeurs, l'heure est au silence, à l'écoute et au dialogue

Devant le portail du lycée Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand, elles se filment en train de danser. Shyrine et Pauline, 15 ans, sont en classe de seconde. Maria, Tessa et Aïna, 16 ans, en première. Elles comblent l’attente en faisant des TikToks, car l’établissement n’ouvre désormais plus ses portes qu’à heures fixes.

« Avant, les élèves pouvaient rentrer et sortir à tout moment. Nous allons restreindre les horaires des portails », explique Éric Sabin, CPE du lycée. Les directives qui imposent ce changement, venues du ministère, sont tombées « par mail dans le week-end », souffle-t-il, expliquant sortir tout juste de réunion. Nombreux sont les élèves à l’interroger, encore dans le flou : « Et à 13 heures, on pourra rentrer ? »

« On fait plus attention et le lycée aussi », résume Maria, « ce matin ils regardaient bien les cartes (étudiantes : NDLR), beaucoup plus que d’habitude. » Les jeunes-filles appréhendaient ce lundi matin, le premier après l’attentat d’Arras survenu, vendredi dernier, dans le Pas-de-Calais. Comme une innocence qui se perd.

« On pense tout le temps que ça n’arrive qu’aux autres, et sans doute à Arras aussi, ils se disaient ça. Du coup, on sait maintenant qu’à nous aussi, ça peut arriver. »

Les cinq lycéennes attendent avec impatience de pouvoir parler des événements avec leurs professeurs. Shyrine, qui s’est vu refuser cet échange par l’une de ses professeurs ce matin, en garde une certaine frustration. « J’aurais espéré que la prof nous explique, parce que sur les réseaux sociaux il y a plein d’hypothèses différentes, et du coup j’ai pas vraiment compris ce qu’il s’est passé. J’en parle avec mes parents mais eux non plus ne savent pas forcément. Tu regardes BFM-TV, puis Cnews le lendemain et c’est pas du tout la même version », explique la jeune fille.

Maria abonde : « J’aimerais parler à quelqu’un de concerné en fait. J’espère qu’on va nous en parler cet après-midi, parce que faire la minute de silence, puis continuer comme si de rien n’était… »

Pas si facile pour les professeurs. Ce matin, entre 8 et 10 heures, ils se sont réunis tous niveaux confondus pour parler de « l’organisation, des modalités de la minute de silence et de la suite ». Mais ce temps a aussi « servi à déculpabiliser » certains enseignants, évoque Benjamin Mamie, professeur de philosophie au lycée Blaise-Pascal.

« Parfois, on ne sait pas comment aborder les choses, on n'a pas les bons mots. Peut-être certains élèves attendent-ils des clés qui nous font défaut à nous aussi.»

La minute de silence, observée à 14 heures dans la cour de l’établissement, a « unanimement ému » élèves et personnels, unis face à « la douleur en tant qu’elle se ressent et qu’elle ne se dit pas. Le silence, c’est bien aussi. Plutôt que de tout de suite recouvrir avec des mots. »

Des mots avec lesquels les enseignants sont de plus en plus prudents. « Ça se voit », déclarent ensemble les cinq jeunes élèves. « Ils se justifient beaucoup plus, par exemple en histoire, quand on parle de religion, le prof fait des mises au point pour dire : “Mais je ne suis pas là pour donner mon avis.” Ça se voit qu’ils ont peur. » 

Les établissements scolaires silencieux en hommage à l'enseignant assassiné à Arras

Louise Llavori