Pédophilie dans l'Église : l'ancien prêtre Preynat demande à sortir de prison
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La médiatisation de la demande de libération conditionnelle formulée par Bernard Preynat, l'ancien prêtre passé par le Roannais et condamné à cinq ans de prison en 2020 pour d'innombrables agressions sexuelles sur mineurs dans le diocèse de Lyon, a suscité des réactions chez certaines de ses victimes.
L'information a été dévoilée par nos confrères du Progrès, ce mardi 24 octobre : Bernard Preynat, par la voix de son avocat, Me Frédéric Doyez, a sollicité un aménagement de peine, qui pourrait prendre la forme d’une libération conditionnelle ou d’une détention à domicile sous surveillance électronique.
Pour rappel, Bernard Preynat, ancien prêtre ayant exercé en région lyonnaise, puis à Neulise, Cours et Le Coteau, dans la région de Roanne, aujourd'hui âgé de 78 ans, avait été condamné à cinq ans de prison ferme en mars 2020 après avoir été reconnu coupable de multiples agressions sexuelles commises sur des mineurs pendant plusieurs décennies, un grand nombre de faits ayant d'ailleurs été frappés par le délai de prescription.
L'affaire avait débouché sur la mise en examen puis le procès du cardinal Philippe Barbarin, reconnu coupable de non-dénonciation d'abus sexuel et condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lyon, avant de bénéficier d'une relaxe en appel.
"Un processus logique d'aménagement de peine" pour son avocatL'ancien prêtre avait été incarcéré fin 2021. Son avocat avait déjà demandé, courant 2023, une suspension de son incarcération en raison de son état de santé. Une requête d'abord entendue, avant que la Cour d'appel ne décide finalement, après une nouvelle expertise, de le maintenir en détention.
Il y a quelques semaines, l'avocat de Bernard Preynat a donc formulé cette demande d'une libération conditionelle. Au moment où sont écrites ces lignes, Me Doyez n'avait pas répondu à nos sollicitations sur ce point, mais avait confié à nos confrères du Progrès que cette requête correspondait "à un processus logique d'aménagement de peine".
"L'absence de résultats concrets au sein de l'Eglise est assez désastreuse"
Contacté par nos soins pour réagir à la médiatisation de cette étape de procédure, François Devaux, ancien président de l'association de victimes La Parole Libérée, ne s'est pas attaché outre mesure à ce nouvel épisode judiciaire, tenant la ligne de conduite qu'il suit depuis plusieurs années.
"Je le répète, c'est plus contre l'institution qui a permis ses actes que contre Bernard Preynat en lui-même, que j'en ai. Or, pour moi, le sujet global n'a pas avancé d'un pouce. Le but de La Parole Libérée, c'était de mettre notre histoire personnelle, notre vérité, sur la table, au service d'une cause. Cela a abouti à la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église, énorme enquête recensant de très nombreux cas dans les décennies précédentes). Le diagnostic a été établi. En ce qui nous concerne, nous ne pouvions pas aller bien plus loin."
Les faits commis par l'ancien prêtre avaient été dévoilés dans notre édition du 20 octobre 2015.
La déception née du déplacement du Pape à MarseilleFrançois Devaux, qui a depuis l'arrêt de La Parole Libérée changé de vie, se veut en revanche amer sur les conséquences, selon lui très limitées, de cette mobilisation et du travail qui en a découlé. "L'absence de résultats concrets est assez désastreuse. Il y a eu très peu de progrès en termes de prévention, de protection de la jeunesse, et bien sûr de réparation du préjudice des victimes. Et en matière de conscience, c'est très médiocre. On a donné une partie de nous, de notre vécu, pour en arriver là. Il faudrait sans doute encore des décennies pour parvenir à quelque chose."
Le fait que le Pape François n'ait pas abordé frontalement la question lors de son récent déplacement à Marseille a également provoqué une vive déception chez l'ancien porte-parole de La Parole Libérée et d'autres de ses camarades. "Alors, oui, ce sont surtout à ces constats amers que me renvoit ce nouvel épisode de la procédure judiciaire", conclut François Devaux
Vous comprendrez aisément que je me refuse à voir un pédophile qui n'a pris que cinq ans de prison pouvoir être libéré
Dans un tout autre registre, une autre victime médiatisée des agissements de Bernard Preynat, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, nous a fourni la copie du courrier qu'il a adressé, lundi 23 octobre, à la juge chargée de l'application des peines du tribunal de Clermont-Ferrand, du ressort de la Cour d'appel de Riom. Retraçant l'historique de l'affaire, Pierre-Emmanuel Germain-Thill demande à la juge de "refuser cette demande d'aménagement de peine". Il argumente : "Les raisons sont simples et de bon sens : cet homme a agressé sexuellement des enfants pendant des dizaines années, sans compter toutes les victimes qui ne se sont pas fait connaître." Et il appuie : "Vous comprendrez aisément que je me refuse à voir un pédophile qui n'a pris que cinq ans de prison pouvoir être libéré."
Victimes comme défense du condamné sont désormais suspendues à la décision du tribunal.
Pierre-Olivier Vérot