Dans la Creuse, ils ont vécu une tornade en mars dernier : comment appréhendent-ils la tempête Ciaran ?
« Depuis ce matin, ils ne parlent que de ça. Ils ont peur. Que ça recommence. Que d’autres arbres tombent. » Dans les rayons de la supérette, ce mardi matin, ils ne parlaient que de ça, de la tempête qui s’annonce pour ce soir. Rien de bien étonnant dans ce bourg de Pontarion qui porte encore ici et là les stigmates de la tornade qui s’est abattue un soir de mars. Quelques toits toujours bâchés, des granges encore écroulées, une pelleteuse qui évacue des gravats dans une cour, une nacelle grimpée au clocher de l’église… et surtout une soirée dantesque encore dans tous les esprits.
"Ça a été un vrai traumatisme cette tornade. Pendant trois semaines, un mois, on ne pouvait pas en parler sans se tomber dans les bras les uns des autres. Moi, je traversais le pont du Thaurion sans regarder sur les côtés. Ça me rendait malade. Il y a une dame, elle a marqué cette journée d’une croix sur son calendrier… Quand on vit ça, quand on est dedans, c’est pas comme quand on le voit à la télé… On est tout petit par rapport à ça."
Ici, dans l’un des rares commerces du bourg, tout a été refait. Cécile Peyne n’a pas d’anxiété particulière par rapport aux vents violents qui s’annoncent : « On se dit que ça va tenir ».
Et elle rassure comme elle peut les habitants inquiets. « On leur dit que, comme quasiment tout a été refait, ça ne va pas retomber. Mais ça cogite. Et ça cogitera toujours, c’est normal. On le voit depuis la tornade : dès qu’il y a un coup de vent, un orage, les gens ont peur maintenant. »
De l'inquiétude mâtinée de fatalisme« Non, moi, je ne suis plus anxieux, je suis rodé maintenant. » Devant l’église où l’entreprise qui « travaillait sur le château intervient sur le clocher, y avait pas grand-chose à faire, maintenant c’est fait, c’est réparé », le maire le dit sur le ton de la boutade. N’empêche…
« C’est surtout quand je repense à celle de 1999 que je crains la tempête qu’ils nous annoncent. C’est plutôt celle-là que j’ai en mémoire, sans doute parce que j’étais pompier à l’époque. On sait pas si elle va passer ici mais il y aura du vent, c’est sûr. Alors on fait attention, on regarde ce qui peut risquer le plus. Mais globalement, il ne reste plus grand-chose à faire. Il y a bien encore deux, trois maisons habitées qui n’ont pas été reprises mais sinon, là où il y a encore beaucoup de dégâts, ce sont des résidences secondaires. Et puis, il y a encore des dossiers qui coincent au niveau des assurances. Mais globalement, oui, ça a bien avancé. Aussi parce que beaucoup d’entreprises ont joué le jeu. Nous, à la mairie, il reste bien encore des choses à faire mais on a fait le bourg en priorité. »
Près de huit mois après la tornade, Jean-Claude Moreau a pris du recul.
"On croyait que c’était la plus grande catastrophe du pays et puis quand on voit ce qui s’est passé dans le sud, avec les inondations, tout ça, on se dit qu’on s’en sort pas trop mal. C’est vrai que sur le moment, oui, faut gérer et on gère encore aujourd’hui mais bon…"
Didier, lui aussi, relativise. Sa ferme fait partie des bâtiments les plus touchés par la tornade. Le toit de la maison a été refait, oui. Mais, charpente à l’air, une grange attend encore son bac acier.
Et dans la cour, la pelleteuse déblaie enfin les gravats d’une autre grange. Des vents violents annoncés pour ce soir?? « Qu’est-ce que vous voulez que ça me démonte de plus?? Faut bien faire avec », lâche-t-il fataliste.
Séverine PerrierPhotos : Floris Bressy