Regarder, sentir, goûter : on vous explique l'art de la dégustation du vin
Nuance de la robe, arômes, longueur en bouche... Alors que la dégustation du vin semble parfois un art difficile à maîtriser, il est possible d’apprendre le b.a.-ba avec l’école des vins de Bourgogne, à Beaune.
Dans la dégustation, tout compte. Y compris l’environnement. L’œnologue Renaud Martin le dit d’emblée aux élèves qu’il a en face de lui ce jour-là, "le contexte joue un rôle très important. Un vin que l’on goûte et achète en vacances peut paraître moins bon une fois chez soi." Il n’y a, autour, ni la mer ni le soleil, mais la clarté d’une salle de la Cité des vins de Beaune, aménagée pour déguster.
D’abord, la lumière. Blanche. Neutre. Idéale pour décortiquer la robe du vin. De tous les sens sollicités, la vue est donc le premier. On observe d’abord la couleur et ses nuances. Pour les blancs, or blanc, or vert, or pâle ou doré. "Plus le vin est jeune, plus la robe est pâle", explique Renaud Martin. Pour les rouges, les couleurs se rapprochent du grenat, du rubis, de la cerise griotte.
Dans le lexique de la dégustation, on note un premier terme : les jambes. On les appelle aussi "les larmes, les pleurs, les perles". Ces petites "gouttes" qui se forment sur la paroi du verre lorsqu’on fait tournoyer légèrement le vin, et qui traduisent la teneur en alcool.
Inox, fût, grès, terre cuite... "On veut trouver le contenant qui sera en harmonie avec le vin"
Avant de "grumer", le premier et deuxième nezPlace ensuite à l’odorat et à ces "premier et deuxième nez", qui font appel à notre banque de souvenirs olfactifs. La grande famille des arômes du vin comprend les arômes floraux, ceux de fruits frais, rouges, cuits, confits, secs, les arômes végétaux ou encore minéraux. Pour les chardonnays, les notes sont souvent florales, minérales. Parfois briochées. Le premier nez, c’est ce que l’on sent sans aérer le vin. Une première impression parfois bien différente de la seconde, où le vin aura, cette fois, été tournoyé dans le verre. "
Il n’y a pas de sens, pas de technique particulière, indique Renaud Martin. Si le vin évolue peu entre le premier et le deuxième, il ne va pas forcément gagner à vieillir." L’inverse peut alors traduire le potentiel de garde, et d’évolution.
Enfin, le vin passe en bouche. On ajoute un nouveau mot à notre lexique : "grumer". Pas évident lors des premiers coups d’essai, il s’agit "d’aspirer un peu d’air à travers les lèvres" en creusant les joues. "On fait un peu de bruit", prévient l’œnologue. Mais on multiplie "’expression" des arômes.
Comme pour l’odorat, l’effet sur le goût se décompose en plusieurs étapes : l’attaque, c’est la toute première sensation. De la fraîcheur, de la rondeur, parfois un effet "asséchant" ou "astringent". Puis la "longueur en bouche", et la "fin de bouche". Autant de sensations qui varient évidemment selon les cépages, les cuvées, les techniques de vinification. Et les années. "Il peut y avoir des millésimes très typés. - des 2019 “assez chaud”, la “belle fraîcheur” des 2020 - Pour moi, dans une dégustation, connaître le millésime est aussi important que l’appellation.
"Pour mettre toutes les chances de son côté, l’œnologue conseille enfin d’anticiper, et d’"épauler" le vin. "On descend juste en dessous de l’épaule de la bouteille pour faciliter l’aération." On patiente quelques heures. Jusqu’à la dégustation.
AccordsLa diversité des vins de Bourgogne, forts de 84 appellations, permet d’imaginer de nombreux accords en cuisine. Et d’éviter le trop classique verre de vin rouge avec le fromage. "Il n’y a pas de vin polyvalent pour un plateau à la française. Pour quinze fromages, il faut bien sept bouteilles", prévient le formateur. Passionné par la question des accords mets-vins, Renaud Martin donne quelques clés pour des expérimentations réussies. "On cherche un accord aromatique : un vin blanc épicé ira bien avec un plat marocain. Mais on joue le contraste des matières. On associe la fraîcheur avec le gras, par exemple un vin blanc minéral avec du saumon ou de la volaille cuisinée à la crème."
(*) Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne a créé en 2014 Les lundis de l’école des vins. Une formation de trois heures destinée aux professionnels de l’hôtellerie-restauration, aux acteurs du tourisme, ou encore vendeurs des vins de Bourgogne sur le marché français.
Caroline Girard, Lucile Preux