"Je vois beaucoup d'amour dans la routine" : François Bégaudeau en Creuse samedi pour présenter son nouveau roman
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L'écrivain et critique cinéma François Bégaudeau sera l'invité, samedi 18 novembre, de la librairie L'Apothicaire à La Souterraine, où il présentera son dernier roman, L'amour.
L'auteur d'Entre les murs – prix France Culture-Télérama 2006 et adapté au cinéma par Laurent Cantet, Palme d'or à Cannes en 2008 – présentera samedi à 18 h 30 à la librairie L'Apothicaire, son nouveau roman, L'amour (*).
Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire un livre sur l'amour ?C'est lié à une réflexion que j'avais sur l'absence de certaines façons de vivre en couple dans la littérature. J'observais des gens dans la vie que je ne voyais pas vraiment dans les livres et je me suis lancé. J'ai écrit le livre que j'avais envie de lire.
Vous racontez 50 ans de la vie de Jacques et Jeanne, couple de la classe moyenne qui s'est formé dans les années 1970. Une vie banale et malgré tout faite de sensibilité, de tendresse, de complicité. Comment on sélectionne les instants de vie qui font d'eux un couple sur une période aussi longue ?Alors déjà, la première partie du livre raconte comment ils se sont rencontrés, c'est important. Les rencontres sont parfois romanesques, mais souvent, elles ne le sont pas. Elles sont banales, même quand il s'agit de la femme ou de l'homme de sa vie. Après, on a un enfant, on se marie, on peut perdre un parent. Finalement, la vie est jalonnée de choses qui peuvent être racontées. Et de façon non dramatique.
Même chez les gens qui vivent des choses banales, il y a toujours quelque chose à raconter.
C'est une forme de contrepied à l'imagerie fréquemment véhiculée des histoires d'amour qui partent de la rencontre de deux personnes et se terminent par leur union, le mariage, sans qu'on sache ce qu'il se passe après ?En fait, il y a deux schémas qui racontent l'amour : celui où il y a la rencontre, le coup de foudre, la montée en intensité jusqu'à la consommation sentimentale et sexuelle. Et celui qui raconte les ruptures. Ça commence par la rencontre et jusqu'à la crise, au divorce qui peut être conflictuel. Je me suis situé en dehors de ces deux gros moments où les choses sont vécues comme un drame. J'ai voulu aller dans la dédramatisation. Car, que ça concerne des bourgeois, des prolétaires, des gens connus ou inconnus, on a tous une vie régulière, que ce soit compliqué ou pas.
Que fait le temps à l'amour ? Est-ce que vous estimez qu'il le transforme en tendresse ou en complicité comme on entend dire souvent ?Qu'il y ait de l'amour, et que ça se transforme en tendresse, c'est peut-être vrai dans certains cas. Moi, je pense qu'il n'y a pas forcément beaucoup d'amour au début, et puis le temps fait qu'il y en a de plus en plus. Je ne crois pas que l'amour soit un gros machin fiévreux, comme le laisse penser nos représentations séculaires. Le vrai amour n'est jamais fiévreux. Il peut connaître des pics de fièvre, mais j'avais envie de raconter une version de l'amour qui est plutôt placide. Je vois beaucoup d'amour dans la routine. Et si la routine est médiocre, alors nous sommes tous médiocres. Même Beyoncé est routinière. Le matin, quand elle se lève, elle prend le café, elle fait deux trois Tweets, elle regarde la télé. La routine, c'est le lieu de l'humanité.
Cette histoire de couple banale parlera sans doute à beaucoup de gens : elle est complètement inventée ou bien inspirée ?Les romans sont, par essence, fictionnels. Donc, ils ne partent jamais de rien. Ça s'alimente toujours de choses réelles. Parfois, on a un modèle, c'est conscient. Des fois, c'est plutôt flou. Là, c'est un agrégat de gens parmi lesquels mes parents, mes amis, des gens que j'ai observés. Ça peut être des couples de 50 ans que je côtoie et qui commencent à avoir engrangé pas mal de décennies communes : c'est de la bonne matière.
(*) L'amour, éditions Verticales, 96 pages, 14,50 euros.
Propos recueillis par Daniel Lauretdaniel.lauret@centrefrance.com