David Nègre, le gourou de l'Allier, de retour devant la justice dans le Puy-de-Dôme

Suspecté d’avoir été le gourou d’une sorte de micro-secte, entre 2015 et 2018, à Vichy, puis à Savigny-Levescault, dans la Vienne, David Nègre, 51 ans, ne fait pas profil bas dans le box de la cour d’appel de Riom, devant laquelle il était jugé, ce jeudi après-midi (1).

Les mains enfouies dans les poches d’un grand manteau noir ou se caressant pensivement la barbe, ce "prêtre païen", qui se fait encore appeler "Sir Shumule" (son propre "alter ego littéraire") sur les divers blogs qu’il continuait d’alimenter, jusque très récemment, depuis sa cellule du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure, aime à se présenter comme "thélémite" (2), comme " un dandy aventurier qui n’entend rien à l’argent" ou encore héritier séculaire d’un savoir exclusif ou d’une doctrine qu’il se plaît à "enseigner" à des disciples fascinés. Où se seraient mêlées, dans un épais syncrétisme, mythologie nordique, paganisme, occultisme, voire, selon certains témoignages, "idées racistes, xénophobes, homophobes, complotistes ou suprémacistes".

Mais jamais comme le gourou manipulateur et violent décrit par les deux jeunes couples qu’il aurait assujettis, durant quelques années, dans sa "communauté", sur fond d'emprise mentale et de consommations effrénées d'alcool et de tous les types de drogues possibles et imaginables…

Et David Nègre ne cache pas une certaine satisfaction lorsque le président de la chambre des appels correctionnels, Philippe Vignon, évoque des termes utilisés par l’expert psychologue l'ayant examiné. Il est dépeint comme " intellectuellement supérieur à la moyenne", décrit comme "un orateur charismatique, un esprit brillant". Mais aussi, et c'est à l'évidence bien moins flatteur pour lui, comme "mégalomane, narcissique et présentant un besoin intarissable de parler".

Quant aux faits qui lui sont reprochés, il les écarte d’un revers de la manche de son manteau, se défendant d’avoir exercé une quelconque emprise mentale ou physique et renvoyant les témoignages glaçants des deux jeunes couples parties civiles à "des affabulations".

"Ils racontent n’importe quoi", tranche-t-il avec un mépris affiché à leur encontre, affirmant au passage "être victime du système judiciaire".

"David Nègre passe visiblement un bon moment, cet après-midi. Il est plutôt satisfait de lui et semble heureux de participer à un débat d'idées, d'être au centre de l'attention".

Leurs avocats, Mes Jennifer Gairaud (Paris) et Fabien Rajon (Lyon), ont recentré le débat et évoqué "des vies mutilées", des victimes "détruites socialement et psychologiquement" par les agissements du "Maître Gothi" (autre surnom de David Nègre), "un pilleur d’existences".

" Il est, certes, un personnage particulier, qu’il faut appréhender comme il est, mais le dossier ne contient et ne démontre rien", a opposé Me Laura Szpiega (Cusset-Vichy) en défense.

La cour a mis sa décision en délibéré au mercredi 29 novembre (l’avocate générale a requis cinq ans de prison, dont dix-huit mois assortis d’un sursis probatoire).

Christian Lefèvre

(1) En première instance, en août dernier, le tribunal correctionnel de Cusset l’avait condamné à trois ans de prison ferme, notamment pour "abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement". Il avait aussitôt fait appel de cette décision.

(2) Dans Gargantua, Rabelais désignait par le nom de "Thélème" la communauté religieuse lui servant de critique contre les communautés religieuses de son époque.

Les blogs de "Shumule". David Nègre avait été jugé en première instance, le 6 juillet dernier, par le tribunal correctionnel de Cusset, qui avait rendu sa décision, mise en délibéré, le 3 août. Détenu à Moulins-Yzeure, le gourou n'était pas pour autant resté inactif. Le 20 juillet, puis le 11 août, depuis sa cellule, il avait ainsi largement alimenté ses blogs, s'en prenant, en des termes souvent injurieux ou en tous les cas très méprisants, au magistrat instructeur, à la présidente du tribunal correctionnel et au procureur de la République cussétois, à la directrice d'enquête de l'office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), mais aussi aux quatre parties civiles. Ce jeudi, face à la cour d'appel de Riom, David Nègre, visiblement très satisfait de ses bons mots, a expliqué qu'il s'agit-là "de second degré, de sarcasmes, de punchlines volontairement provocatrices". "Vos propos sont particulièrement insultants et méprisants", insiste le président. "Ouais, mais c'est quand même drôle !", s'exclame David Nègre avec gourmandise...