"Je mangerais moins" : difficile de se passer de tabac pour les fumeurs guéretois, malgré la hausse des prix

Le buraliste est catégorique : « On vendra toujours autant de tabac ». 

L’augmentation des prix n’empêchera pas les fumeurs de fumer. C’est pourquoi Jean-Claude Mansat a investi dans un nouveau projet avec la reprise de l’ancien bar tabac Le Rallye, renommé L’Express. Le sexagénaire a rouvert le commerce en face de la gare le 4 décembre. Il se veut prudent mais peu pessimiste quant à une éventuelle perte d’intérêt des fumeurs face aux hausses de prix : « J’dis pas que ça ne viendra pas un jour mais ce n’est pas immédiat ».

Selon l’ancien gérant du tabac presse Le Scoop de l’Avenue du Berry, on ne se détache pas d’une addiction aussi facilement. « Quoi qu’il arrive, ils iront s’approvisionner ailleurs, à l’étranger ou vers des contrefaçons, de la contrebande. » Une alternative qui représente un risque plus grave à ses yeux : « Pour le coup, on ne sait vraiment pas de quoi sont faites les cigarettes de contrefaçon mais ils prendront le risque malgré tout ». Les gens n’arrêteraient pas de fumer mais les petits tabacs pourraient mettre clé sous porte, faute de trésorerie suffisante.

Un client de l’Express soupire en entendant la discussion : « C’est encore un plaisir qui saute ». À l’extérieur, un Royéraud, cigarette à la main, attend son chauffeur près de la gare pour rentrer chez lui. « On subit, on n’a pas trop le choix. » Pas question d’arrêter, Jérôme ne se considère pas comme un « gros fumeur » et estime dépenser environ 15 euros par semaine. Il fume surtout le matin et le soir. Il n’a pas vraiment le temps autrement, il travaille dans la restauration. « J’ai essayé la cigarette électronique mais je n’ai pas aimé le goût et on ne sait pas trop ce qu’il y a dedans. »

La question des alternatives pour arrêter est plus importante pour beaucoup que la simple hausse des prix. Sur le marché, Lucie n’a pas le temps. Pas le temps pour se pencher sur la question d’arrêter ou pas. « Je suis tellement accro… Il faudrait être aidée financièrement car les patchs aussi il faut les payer, tout comme l’hypnose. » En bref, elle n’a pas l’impression de maîtriser sa situation. La mère de famille consomme deux paquets par semaine pour environ 160 euros par mois. 

C’est terrible de le dire mais je mangerais moins.

Avec son « rythme de vie chargé », entre le boulot et ses trois enfants, elle a besoin de ces moments où fumer pour « se mettre à part, faire une pause ». Le prix ne mettra pas un terme à son addiction, seul un peu plus d’argent et de temps à investir dans des solutions l’aideraient. Car, malgré tout, elle a « hâte de pouvoir arrêter ».

Certains ont déjà fait des tentatives. Christophe et Cindy fument depuis plus de vingt ans. Les pauses clopes, c’est un peu comme ça qu’ils se sont connus, ils travaillaient dans la même entreprise. Quand ils ont commencé, le paquet affichait 10 francs, soit 1,50 euro. « Maintenant, on en a pour douze euros, c’est abusé », souffle Christophe. Ensemble, le couple dépense 200 euros par mois. Alors, ils ont réussi à se retenir pendant trois, quatre mois grâce au médicament Champix. Ils ont fini par reprendre. Les périodes les plus dures, selon eux, ce sont justement les fêtes. Ces moments où l’on se réunit avec « les fumeurs de notre entourage ». Installé à Glénic, le couple est partagé sur les autres solutions. Christophe se laisserait tenter par les Puffs, ces mini-cigarettes électroniques mais sa compagne belge, Cindy, elle, n’y croit pas. Et c’est toujours mieux de retenter le coup à deux. « S’il y en a un et pas l’autre, ça ne marche pas. »

Daniel aussi veut arrêter. Ou plutôt arrêter à nouveau. Le quinquagénaire avait réussi à couper son envie de fumer pendant quatre ans rien qu’avec l’homéopathie. Ses cigarettes enterrées dans le jardin, il a osé « l’erreur à ne pas faire ». C’est-à-dire : « Recommencer, juste une ». Même s’il a repris depuis trois ans maintenant, il n’abandonne pas. « Au moins, je sais que c’est possible. » Il suffit de trouver le bon timing.

D’autres se sont pris des panneaux stop bien nets et pas vraiment prévus. Georgette a chopé une bronchite et s’est retrouvée allergique aux antibiotiques qu’on lui a prescrits. Ses poumons ont assez souffert, elle n’a pas repris la cigarette après cela. Situation similaire pour Françoise. À six cigarettes par jour, elle arrivait quand même à se poser des limites. « Pas chez moi car cela imprime les tissus. » Elle a fini par arrêter sans le vouloir mais par « la force des choses ». Pour sa santé, elle a pris un traitement que son corps n’a pas bien apprécié. « J’ai eu des effets secondaires épouvantables, je me suis sentie malade pendant huit jours. » Huit jours sans fumer. Elle n’a pas repris.

Corinne, elle, a commencé à ses 14 ans pour passer plus de trente ans à fumer et enfin s’en éloigner il y a cinq ans. Les causes ? Un an auparavant, elle est passée par un cancer du sein. Forcément, ça l’a incité à arrêter. L’an d’après, les prix augmentent. Les paquets ne sont plus bien loin des dix euros. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Certains ont abandonné l’idée d’arrêter. « À mon âge, c’est trop tard », lâche François, un Haut-Viennois d’une cinquantaine d’années. Pourtant, bien sûr que le prix des cigarettes, sans cesse en hausse, l’énerve ! « Un peu comme les augmentations de tout le reste » en fin de compte. 

Charlotte Mathiot