Pourquoi les commerces de Brioude sont-ils fermés entre midi et deux ?
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À Brioude, en Haute-Loire, la majorité des boutiques ferme durant le déjeuner. Pour la plupart des clients, il s’agit d’une habitude à prendre.
Sous un rayon de soleil automnal, les Brivadois se pressent aux comptoirs des magasins, ce mardi matin. Il est 11 heures passées et bientôt, le centre-ville fera sa pause quotidienne. Entre midi et deux, difficile de trouver un magasin ouvert à Brioude.
"Ça ne sert à rien""Ça ne sert à rien d’ouvrir à la pause déjeuner, de toute façon, il n’y a personne", affirme Sophie Fastrez, de la mercerie La Cigogne, rue du Commerce. "Et il n’y en a jamais eu", ajoute Marie-Thérèse, cliente fidèle venue chercher sa pelote de laine. La commerçante est arrivée en Haute-Loire il y a 20 ans, depuis la région parisienne. Un chamboulement, dans ses habitudes citadines, pris avec le sourire. "Au début, je ne comprenais pas. Finalement, après quelques années, on s’y fait."
Sophie préfère fermer plus tard. "J’ai du monde entre 18 et 19 heures, ça arrange les gens qui travaillent. Mais entre midi et deux, personne." Alors, "rester ouvert pour faire beau, non merci", s’amuse-t-elle. Sans compter qu’à Brioude, beaucoup de commerçants travaillent seuls. "Les horaires d’ouverture sont nos horaires de travail", rappelle la propriétaire des lieux. La pause déjeuner est salutaire.
Des habitudesDans les rues, personne ne semble trop perturbé par le calme qui règne lors de la pause déjeuner.
"J’ai toujours vécu ici et j’ai toujours connu les choses comme ça. Vers 10 ou 11 heures, je sors acheter ma viande et le midi, je cuisine, je mange et je fais la sieste."
Un peu plus loin, Lucette, 72 ans, abonde en son sens. "Ça fonctionne très bien comme ça. On a nos petites habitudes. Et ça nous convient !" Pour les deux Brivadoises, "pas besoin d’avoir des magasins ouverts 24h/24, il suffit de s’organiser".
Ouverte depuis janvier, Sophie Fastrez a choisi de caler ses horaires sur ceux de ses confrères. "Je me suis renseignée auprès de mon voisin, Patati et Patasucre, pour proposer des horaires similaires. Je ne vais pas rester la seule boutique ouverte, ça ne sert à rien."
Des tests qui n'ont pas été concluantsÀ Oxy, boutique de décoration, Laure Normand partage cet avis. "Les gens ne sortent pas pour une boutique. Si on est les seuls à ouvrir dans une rue du centre-ville, on aura personne."
Si elle n’est pas concernée par le voisinage commercial, sa boutique étant située avenue Victor-Hugo, elle a tout de même vite compris que la pause déjeuner était sacrée, "en province". "J’ai essayé la première année, mais c’était vide. Ici, c’est culturel, les gens préfèrent prendre le temps de bien manger, de se poser."
Après quelques années, elle aussi, s’est habituée. Et elle préfère miser sur d’autres tranches horaires." J’ai du monde le dimanche après-midi. Des gens de Clermont ou Saint-Étienne qui se baladent. Le lundi aussi, ça marche bien."
À l’épicerie La cave Saint-Julien, Alain et Marie Boucherie ont pris le parti de rester ouverts. Du mardi au samedi, ils travaillent de 7 h 30 à 18 heures non-stop. "Il n’y a pas grand-chose à faire sur ces heures-là. Les gens qui doivent rester à Brioude parce qu’ils travaillent s’ennuient."
"Le midi, je m’ennuie"C’est le cas de Juliette, 37 ans. La jolie brune travaille dans la cité Saint-Julien, mais vit à quelques encablures de la ville. Et la pause déjeuner a tendance à lui "donner le cafard". "Je n’ai ni le temps ni l’envie de faire 40 minutes de route entre midi et deux." Seulement, déguster un sandwich entre les quatre murs de son travail n’est pas toujours agréable. "Je m’ennuie. Quand il fait beau, j’aimerais bien me balader, faire du lèche-vitrine, en profiter pour me faire plaisir et acheter des bricoles." Mais les portes restent closes et "une fois qu’on a fait le tour de Brioude deux ou trois fois, il n’y a plus grand-chose à visiter".
Alors, même si l’affluence n’est pas énorme, Alain et Marie se sentent utiles.
"On a des petites mamies qui viennent acheter des fruits et légumes parce qu’elles sont tranquilles, loin de la foule."
Marie Boucherie
Alain ajoute : "Les travailleurs viennent acheter des cadeaux. Ils ont le temps de choisir les produits, de faire de beaux paniers."
Un sondage à faire ?Le but, pour les commerçants, est avant tout de répondre à la demande. "Si j’ai encore du monde, je vais fermer à 12 h 30 au lieu de 12 heures. Et l’été, pour la braderie par exemple, je reste ouverte le midi", affirme Sophie Fastrez.
"Il faudrait peut-être faire une sorte de sondage auprès des gens", glisse-t-elle. Comme elle, beaucoup seraient prêts à aménager leurs horaires pour satisfaire le plus grand monde. L’avantage, non négligeable, d’avoir des petits commerces soucieux de leur clientèle.
Delphine Simonneau