Une rarissime Fasto A2 retrouvée dans un garage du Rhône

Durant quelque soixante années, elle a dormi dans une grange puis un garage avant d’être sauvée de l’oubli par une chaîne de passionnés. Cette Fasto A2 fait revivre une tradition automobile née à Saint-Éloy-les-Mines (Puy-de-Dôme) avant d’être oubliée des mémoires. Sauf de ceux qui l’ont sauvée et se sont désormais épris d’elle.

Une preuve que, même en 2024, le mythe de Cendrillon peut exister dans la vraie vie. Dans le rôle de la belle endormie, une Fasto A2, une marque de voiture créée en 1926 et dont l’histoire automobile avait presque oublié l’existence, hormis quelques spécialistes.

Ses princes charmants sont justement des passionnés du Groupement associatif des collectionneurs du patrimoine technique (GACPT), basé à Givors, qui a pour objet la valorisation de patrimoines techniques, et qui en retrouvent la trace un 18 août 2021 dans un garage humide de La Tour-de-Salvagny, également dans le Rhône. La belle est alors prisonnière de sa gangue de rouille.

Qu’importe pour Michel Cordonatto : "Je suis un peu un grand malade?!", sourit le co-président du GACPT avec Cyril Carré, à l’origine de cette (re)découverte.

Il ne fallait pas la laisser partir à la ferraille. Personne ne la connaissait, elle n’intéressait personne et il n’y avait que peu d’exemplaires

Ni une, ni deux, la voiture est chargée sur un porte-voiture et exhumée avec mille précautions, comme le trésor de Toutânkhamon. "Des exhumations comme ça, ça nous connaît. On est un peu des chercheurs de trésors", résume Michel Cordonatto. Les jantes en bois de la Fasto sont toujours là, a contrario de ses pneus ou sièges, de même que son volant à droite ou encore son tableau de bord en bois précieux. S’ensuit un grand nettoyage à base de xylophène pour prévenir tout nouveau dommage mais quelque soixante années d’immobilisation ont laissé des traces indélébiles sur la Fasto.En quête d’infos sur le passé de cette voiture, les membres du GACPT prennent attache en 2022 avec Denis Kapala, professeur et fin connaisseur de sa ville natale de Saint-Éloy-les-Mines, au coeur de l’Auvergne, sur laquelle il prépare alors un ouvrage avec l’auteur, photographe et éditeur, Lionel Duperray.

Le lien?? Un nom apparu dans les recherches de Denis Kapala : Fasto dont les origines seraient dans les Combrailles?! "Denis avait découvert l’existence de la Fasto il y a une dizaine d’années mais il avait des difficultés à assembler les infos", raconte Lionel Duperray.

Tous les personnages étant entrés en scène, il s’agissait ensuite de faire revivre la Fasto pour lui offrir un avenir. Des premières estimations auprès de professionnels de la restauration livrent une facture d’environ 180.000 €. "C’est un projet énorme mais il faut que la restauration soit à la hauteur de l’enjeu", note Michel Cordonatto. Pour recueillir des fonds, un ouvrage, fruit des recherches de Denis et du travail d’écriture de Lionel, est édité aux Éditions Vals d’Allier à 500 exemplaires : Automobiles Fasto : un patrimoine technique auvergnat sauvé de l’oubli.

"J’avais peu d’infos au départ puis tout s’est décanté en décembre 2022", se souvient Lionel Duperray, qui voit finalement les éléments arriver de toutes parts, multipliant les recherches généalogiques, allant jusqu’à retrouver la documentation technique de la voiture.

Quid de la Fasto de La Tour de Salvagny ?

C’est une voiture de famille, acquise d’occasion à Vénissieux un 20 octobre 1934 par Lucien Marée, qui a travaillé aux établissements Marius Berliet, spécialisés dans la construction de poids lourds. Son premier propriétaire était José Ascudé?; c’est Madame Taty, veuve d’un docteur réputé, propriétaire de la maison où travaillait l’épouse de Lucien, qui s’acquitte de la vente au nom des époux Marée. Selon les témoignages récoltés par Lionel Duperray, Lucien n’utilisait pas la Fasto pour ses déplacements quotidiens qu’il effectuait à bicyclette. La voiture aurait été utilisée jusque dans les années 1950-1955 selon les investigations menées par la famille, remplacée dans les souvenirs par une Citroën Traction puis par une Peugeot 403 de couleur bleu marine. La Fasto, elle, a coulé sa retraite sous un chêne majestueux sans doute durant une vingtaine d’années avant de gagner un hangar de stockage temporaire, posée sur des cales, puis un garage en dur, toujours à La Tour de Salvagny. C’est là qu’elle fut sortie de son sommeil un 18 août 2021. 

Entre temps, de nouvelles estimations des travaux sont faites, "plus réalistes" aux alentours de 80.000 € environ, tandis que les collectivités sont aussi démarchées par chacun des acteurs de cette histoire. "On a presque récolté 20.000 € ", se félicite Lionel Duperray. Reste désormais à lancer les travaux, priorisés selon les besoins de la belle et prévus sur trois ans puis à l’emmener sur les routes. Nul doute qu’elle vivra heureuse, avec beaucoup de fans. 

Pratique. Pour faire un don : www.fondation-patrimoine.org. Le livre Automobiles Fasto : un patrimoine technique auvergnat sauvé de l’oubli (180 pages, 35 €) est disponible notamment auprès des éditions Vals d’Allier, 31 rue des Docteurs-Dumas, 63300 Thiers.

François Jaulhac