Comment Alexis Phelut aborde son retour à la compétition, un an après [épisode 4 de notre série Le pari olympique]

Alexis Phelut a accepté que La Montagne le suive au plus près, tout au long de sa préparation pour obtenir une qualification aux Jeux Olympiques de Paris. Entraînements, rendez-vous médicaux, stages, retour dans son Cantal, compétitions… Le steepler ouvre les coulisses de son quotidien d’athlète de haut niveau. Voici l'épisode 4.>> Lire l'épisode 1>> Lire l'épisode 2>> Lire l'épisode 3

Un ballon qui traverse la piste en tartan, coursé par un petit footballeur cramponné. À peine le temps de récupérer son bien de l’autre côté de la main courante que trois hommes déboulent à vive allure. L’un à vélo, les deux autres pointes au pied. Drôle de contraste entre un bambin sautillant l’esprit léger et un athlète courant après le temps perdu et son rêve olympique.

Emmené par son coach Jean-François Pontier, et talonné par son fidèle partenaire d’entraînement Baptiste Coudert, Alexis Phelut avale les barrières à près de 21 km/h de moyenne. Au programme, dimanche dernier sur la piste des Cézeaux, une séance typée steeple, la première depuis un mois et demi : 300 m de plat, 500 m de steeple (avec passage de barrières), 1.000 m de steeple, 500 m de steeple, 300 m de plat, à réaliser deux fois. Le genre d’effort qui tape fort dans les réserves.

« Je suis content, le premier 1.000 m de steeple, je le fais en 2’46”, soit une base de 8’20” sur 3.000, et j’arrive à avoir de l’aisance. Le deuxième, je le passe en 2’44”, apprécie le Cantalien. Contrairement à il y a encore quelques mois, même quand je suis dans le dur, il se passe quelque chose. Les jambes répondent, avant je ne pouvais rien faire. » De quoi lui permettre d’appréhender son retour à la compétition avec appétit, ce dimanche 26 mai (à 18 h 10) à Bruxelles, lui qui n’a plus accroché un dossard au départ d’un 3.000 m steeple depuis le 17 juin 2023 et son abandon sur le meeting de Nice.

Entre-temps, les galères se sont accumulées et de vilaines réminiscences sont encore apparues à la fin du mois de mars lorsqu’une analyse sanguine révèle une réaugmentation des valeurs de la mononucléose qu’il avait contractée en décembre 2022. Après deux semaines de repos relatif, une lésion au mollet le contraint à stopper son entraînement mi-avril.

« Pour la première fois, j’ai commencé à me dire que ça allait être très très chaud pour les Jeux. »

Décision est prise de partir en stage durant trois semaines à Font-Romeu pour bénéficier des bienfaits de l’altitude sur l’organisme et profiter des installations comme les chambres hypoxiques. Là-bas, il croise Djilali Bedrani et Louis Gilavert, deux concurrents qui paraissent en forme (voir ci-dessous). Il encaisse. « Je suis resté concentré sur moi-même. De toute façon, je sais que mes adversaires sont plus forts que moi à l’entraînement. » De retour à Clermont, un test à l’effort réalisé au CHU Montpied indique que les valeurs sanguines sont revenues à un bon niveau. Il n’y a plus de temps à perdre.

Depuis, Alexis Phelut se donne sans compter, lui qui bénéficie de conditions de préparation optimales grâce au détachement à 100 % de son employeur, le 7e Régiment du matériel à Lyon (armée de terre). Ses trois dernières semaines ont été particulièrement chargées, mais le corps répond bien. Alors la tête aussi. « Il me manque encore deux ou trois semaines d’entraînement pour viser de beaux chronos. Mais à partir de mi-juin, je serai capable de courir très vite, prévoit-il. Je n’aurai pas de marge pour aller aux JO, mais ce sera jouable. »

À Bruxelles, Jean-François Pontier le voit courir entre 8’23” et 8’28”. En 2021, année des Jeux de Tokyo où il termine 12e de la finale, il avait signé un chrono de rentrée en 8’29”58. « Ses récentes sensations montrent qu’il est sur la bonne voie, témoigne son coach. Mais rien ne remplace la compétition. Cela fait quand même près de trois ans qu’il n’a pas fait une saison complète. » D’où l’impatience de l’athlète d’Envol de retrouver le stress inhérent à une chambre d’appel. « J’ai hâte. Hâte de faire quelque chose de correct, mais surtout de me réentraîner derrière parce que je sais que ce premier 3.000 va me faire passer un cap. »

L’idée sera alors de finir en boulet de canon pour décrocher son ticket pour les Jeux de Paris lors des trois derniers week-ends de juin. « Je n’ai pas le choix, si je veux rentrer dans le ranking, il me faut trois bons chronos. Ce n’est pas le plus optimal, mais c’est ce que je peux faire de mieux en l’état actuel des choses. » Et ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose. Pour ceux qui le connaissent le mieux, il n’est jamais aussi fort que quand plus personne ne l’attend.

Dimanche dernier, Djilali Bedrani (photo O. Martin) est devenu à Marrakech le premier steepler tricolore à passer sous les minima fixés par la Fédération internationale d’athlétisme (8’15”) pour participer aux Jeux en signant un solide chrono en 8’13”73. Une performance qu’ont imitée Louis Gilavert (8’13”47) et Alexis Miellet (8’14”71) en battant leurs records personnels, ce jeudi à Marseille. Par ailleurs, Nicolas-Marie Daru (8’16”36) reste en embuscade alors que Baptiste Fourmont (8’23”53), évolue, pour l’heure, un peu plus loin. Pour rappel, la France dispose de trois tickets pour les Jeux, accessibles soit via le ranking, soit via les minima. Alexis Phelut n’a plus vraiment le choix, il devra sortir un gros chrono avant les France, organisés à Angers du 28 au 30 juin, et qui pourraient être le juge de paix.

Vincent Balmisse