Portugal: le secteur bancaire, casse-tête pour le nouveau gouvernement
Le nouveau gouvernement socialiste du Portugal a hérité de deux dossiers explosifs qui fragilisent le secteur bancaire: les doutes sur la solvabilité de la Banif, qui s'effondre en Bourse, et la vente de Novo Banco, successeur de Banco Espirito Santo, sauvé de la faillite en 2014.
Parmi les plus petites banques du pays avec une part de marché estimée à 3%, la Banif a poursuivi lundi sa chute vertigineuse à la Bourse de Lisbonne, dévissant de plus de 42% à 0,08 centime d'euro, alors que des médias locaux faisaient état d'une intervention imminente de l'Etat.
A peine investi, le Premier ministre, Antonio Costa, doit à la fois répondre aux demandes pressantes de ses alliés de la gauche radicale, adeptes d'une solution rapide pour la Banif, et faire face à la Commission européenne, qui a ouvert une enquête sur la banque en juillet.
"L'ancien gouvernement de droite avait promis que plus aucun centime ne serait dépensé pour sauver une banque au Portugal. Mais il a laissé deux bombes à retardement, la Banif et Novo Banco", s'est emportée début décembre Mariana Mortagua, députée du Bloc de gauche.
Démentant un plan d'urgence, la direction de la Banif a réitéré lundi que le processus de mise en vente de la part de 60,5% détenue par l'Etat était en cours et fait état de l'intérêt de "plusieurs investisseurs internationaux".
- Compte à rebours -
A en croire la télévision TVI24, si la banque échoue à trouver un nouvel actionnaire cette semaine, elle devra être soumise à un plan de sauvetage prévoyant de "séparer les actifs sains des actifs toxiques".
Cette hypothèse a été également avancée par le journal Publico qui écrit que "tout indique que le gouvernement présentera cette semaine une solution pour la banque".
La Banif pourrait ainsi suivre le chemin de Banco Espirito Santo, qui avait été secourue par la Banque du Portugal le 3 août 2014. Dans le cadre de cette opération, les actifs sains ont été regroupés dans une structure de transition baptisée Novo Banco.
La nouvelle entité a été recapitalisée à hauteur de 4,9 milliards d'euros, dont 3,9 milliards apportés par l'Etat portugais et un milliard par les banques.
Sa vente, qui devait permettre à l'Etat et aux banques de récupérer leur mise, a dû être reportée en septembre, faute d'offres satisfaisantes. Du coup, le déficit public du Portugal de 2014 a dérapé, passant de 4,5% du PIB à 7,2%.
- Aide de l'Etat -
Confronté aux spéculations sur le sort de la Banif, Antonio Costa a pris son téléphone dimanche pour rassurer Miguel Albuquerque, président de la région autonome de Madère, où la Banif a son siège et le gros de sa clientèle.
"Il m'a assuré que les informations faisant état d'un effondrement imminent de la banque ne correspondaient pas à la réalité", a rapporté M. Albuquerque. En tout cas, a-t-il dit, "on fera tout pour l'éviter".
En pleine crise de la dette, la banque avait bénéficié en décembre 2012 d'une aide de 1,1 milliard d'euros de l'Etat portugais, qui détient depuis la majorité de son capital.
L'Etat avait apporté 400 millions d'euros sous forme de "Cocos" (obligations qui se transforment obligatoirement en capital si la santé de la banque se dégrade), dont 275 millions ont été remboursés.
Mais la Banif n'a toujours pas réglé la dernière tranche de 125 millions d'euros, arrivée à échéance en décembre 2014, et elle doit rembourser 700 millions d'euros d'ici 2017.
Bruxelles avait mis en doute en juillet la compatibilité de cette aide avec les règles européennes, s'interrogeant sur la capacité de la banque à rembourser l'Etat.
La Commission européenne est "en contact étroit" avec le Portugal sur cette affaire, a indiqué lundi un de ses porte-parole, cité par l'agence Lusa. Et d'ajouter que "toute solution pour la Banif doit assurer la pleine protection des dépôts garantis".