Bernanos n’est plus guère lu aujourd’hui. Sans doute notre époque laïcisée a-t-elle perdu une large part de la culture catholique qui irrigue ses romans et nous les rend en partie étrangers. Des textes d’une étrange saveur, se jouant de la narration, parfois du temps, ou du cadre. La chronologie y est à la fois «majeure et dérisoire, avec des textes qui abondent en marqueurs temporels (le temps d’un éclair, au même moment, tout d’un coup…)», explique
Gilles Philippe, professeur ordinaire de linguistique française (Université de Lausanne), à Slate.fr. De même, «Bernanos ignore les descriptions. Ce n’est pas Zola! Il se contente plutôt d’une mise en place en tête de chapitre, avec le lieu, le temps, la lumière… Puis vient le dialogue». Un dialogue riche, construit, très écrit. Bernanos couche sur le papier des échanges de haute tenue, poursuit Gilles Philippe: «Ses romans comportent de longues scènes dialoguées, avec des répliques totalement irréalistes car très longues, très écrites. Et ce sont des dialogues peu théâtraux, puisque très abstraits. On parle de la foi, pas des petites choses du quotidien. Dans les
Dialogues des Carmélites, le niveau d’abstraction tient du sublime. La Prieure et Blanche parlent d’héroïsme, se demandent comment vaincre la nature ou la forcer…»
Lire Bernanos demande donc une attention particulière, celle d’un «lecteur d’essais» plus que de romans. Une ...
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