La "vie de chien" de George P. jugé pour le meurtre d'une fillette
La "vie de chien" de Georges P., né en 1975 d'un viol - révélé par sa mère à l'audience - et toxicomane dès ses 13 ans, a dominé le premier jour de son procès pour le meurtre d'une fillette en 1996.
"Georges, c'est un enfant né d'un viol. A l'époque, fallait pas en parler, fallait se taire. J'ai gardé ce secret jusqu'à maintenant, lui-même ne le savait pas", a déclaré d'emblée la mère de l'accusé, Maria P., mercredi à la barre de la cour d'assises de l'Isère.
Cette aide ménagère de 60 ans, d'origine portugaise, date ce viol à septembre 1974, quelques mois avant la légalisation de l'avortement. "Je ne pouvais pas supporter. J'ai fait des piqures, j'ai pris des médicaments, j'ai même tenté de me balancer contre un car", a-t-elle raconté, affirmant s'être ensuite "vengée" sur son enfant.
"Je lui ai fait payer les pots cassés, je lui ai fait mener une vie de chien. C'est terrible, je le reconnais", a-t-elle ajouté.
- Enfer familial -
George P. est jugé pour le meurtre en novembre 1996 de Saïda Berch, 10 ans, retrouvée dans un canal à Voreppe (Isère), près de Grenoble, deux jours après sa disparition.
Ce n'est qu'en 2013 que l'accusé avait été confondu par son ADN, à la suite d'analyses menées dans un laboratoire bordelais. Il est aussi soupçonné de l'assassinat de Sarah Syad, 6 ans, le 16 avril 1991, dans la même commune, crime pour lequel il doit être jugé prochainement par le tribunal pour enfants.
Âgé de seulement 15 ans au moment du premier meurtre, il en avait 21 lors de la mort de Saïda Berch.
Dans la matinée, l'enquêtrice de personnalité avait elle aussi décrit le climat familial "très tendu", violent, dans lequel cet "enfant chétif, à la santé fragile" avait grandi. Une enfance qualifiée "d'enfer", par lui et ses deux frères. La nuit, "Georges se réfugiait souvent dans le panier du chien", a-t-elle précisé.
"T'es un con, tu ne sers à rien, tu aurais dû mourir à la naissance", lui lançait son père adoptif, William, conducteur de car.
Son adolescence est marquée par les fugues, les moments d'errance et les carences affectives. Quant il rentre après le "couvre-feu" maternel de 20H00, Georges dort dehors ou chez un ami. Parfois, il se réfugie chez sa grand-mère.
"A 12 ou 13 ans, il a commencé à se droguer à mort. Il me volait de l'argent" pour se fournir en stupéfiants, a raconté sa mère.
Il se met alors à consommer puis à dealer du cannabis, se bagarre au collège. Puis passe "aux drogues dures" et devient "très violent", selon sa mère.
- "Fils du diable" -
La drogue lui donne des hallucinations. "Il pensait qu'il était le fils du diable, qu'il le voyait", a expliqué l'enquêtrice.
Atteint de la maladie de Steinert, qui provoque une dégénérescence musculaire, il laissait en outre "tout tomber par terre" dès l'âge de 14 ans, selon sa mère.
Sa maladie est détectée au début des années 2000, date à laquelle il est reconnu comme adulte handicapé. Il vit dans un certain repli avec sa compagne, affectée d'un léger handicap mental, et leur fils né en 2009.
L'homme, calme, "n'inspire pas de crainte particulière" à son entourage, "se fait payer des cafés" mais pouvait aussi être impulsif, projeter son fils contre un mur ou frapper sa femme enceinte, a décrit l'enquêtrice.
Mercredi, il est resté mutique, refusant même de décliner son identité. Regard dans le vide, teint livide, chauve à l'exception de longs cheveux à l'arrière du crâne, il n'a prononcé que quelques mots inintelligibles.
"Je m'en fous", a-t-il ainsi lâché alors que le président le questionnait sur la révélation de sa mère.
Interrogée sur les faits, cette dernière assure être "toujours dans le doute". "Je veux pas croire qu'il a commis cette horreur", soupire-t-elle.