Un "drôle d'animal", un homme à "triste mine" et aspirant héros se souviennent de la crise grecque

Un "drôle d'animal", un homme à la "triste mine" et un aspirant héros... Trois premiers rôles de la crise grecque qui a manqué d'emporter la zone euro en 2015 livrent leurs souvernirs, alors que les tensions autour de la Grèce ressurgissent.

D'un côté, Michel Sapin et Wolfgang Schäuble qui publient ensemble "Jamais sans l'Europe", aux éditions Débats publics. De l'autre, Yanis Varoufakis qui leur donne la réplique dans son ouvrage "Et les faibles subissent ce qu'ils veulent?" (LLL).

Le ministre des Finances allemand en est convaincu: sa fermeté dans les négociations a permis de déboucher sur un accord "dur, mais qui a du sens". Il espère même que les Grecs lui rendront un jour hommage.

"Qui sait, si la Grèce y parvient (à se redresser) -je serai d'ailleurs possiblement déjà mort- je deviendrai peut-être un de ses héros", affirme-t-il sans complexe.

M. Varoufakis ne partage évidemment pas ce point de vue. Il reproche au "Dr Schäuble", comme il le surnomme, d'avoir réussi avec l'Eurogroupe "à renverser notre gouvernement en nous asphyxiant suffisamment pour que le premier ministre (Alexis) Tsipras capitule".

M. Sapin ne cache pas son peu de sympathie pour l'ex-ministre grec qu'il qualifie de "drôle d'animal".

Dès leur première rencontre un dimanche pluvieux à Bercy, le 1er février 2015, il le prévient qu'il ne parviendra pas à semer la discorde entre Paris et Berlin. "Ne crois pas que tu puisses jouer les pays du Sud et la France contre les pays du Nord et l'Allemagne", lui confie-t-il.

"Nous savons (tous les deux) que nous ne laisserons jamais un tiers nous monter l'un contre l'autre", ajoute de son côté M. Schäuble.

Ce portrait d'un couple franco-allemand qui agit main dans la main ne correspond pas à celui esquissé par M. Varoufakis, qui décrit "la triste mine" de M. Sapin lors des réunions de l'Eurogroupe.

"Il savait que l'offensive dont j'étais la cible - menée par une alliance, sous direction allemande, de ministres essentiellement d'Europe de l'Est pour m'obliger à accepter des coupes inhumaines (...)- se tournerait bientôt contre lui", assure l'ex-ministre grec.

Dans le livre, M. Sapin révèle que M. Varoufakis avait été écarté "dans la pratique" des négociations dès la réunion de l'Eurogroupe du 24 avril 2015, bien avant son départ du gouvernement le 6 juillet.

Il dépeint M. Varoufakis comme quelqu'un qui "n'arrêtait pas d'en rajouter dans la provocation".

- Le "Grexit temporaire" divise le couple franco-allemand -

Pourtant, M. Sapin et M. Schäuble avouent une profonde divergence dans la dernière ligne droite des négociations: Paris ne soutenait pas le "Grexit temporaire" proposé par Berlin.

"Nous avions des évaluations et des avis différents", admet le ministre allemand, qui dit avoir "toujours eu des doutes sur la capacité de la Grèce à respecter tous ses engagements".

Le référendum lancé par Tsipras sur les conditions posées à la Grèce a irrité M. Sapin qui l'a d'abord pris comme "un acte hostile", avant de le considérer aujourd'hui, avec le recul, comme "un coup de génie" du premier ministre grec.

Cet "outil" a permis à M. Tsipras de "maîtriser sa propre majorité", explique-t-il. "La preuve c'est qu'il a accepté un plan plus dur que celui que la Grèce aurait obtenu au mois d'avril", martèle-t-il.

Son homologue allemand se montre plus sceptique sur M. Tsipras: "J'aurais eu du mal à mener une campagne avec des promesses qui n'auraient pas été mises en oeuvres", ironise M. Schäuble.

Au total, pour M. Varoufakis, cet accord marque "l'écrasement du gouvernement grec auquel j'appartenais". Ce plan de sauvetage de la Grèce, le troisième depuis 2010, prévoit des nouveaux prêts d'un montant maximum de 86 milliards d'euros d'ici à août 2018, en échange de réformes portant sur la fiscalité et les retraites.

Près d'un an plus tard, la crise grecque resurgit et cette fois-ci toutes les parties disent vouloir éviter "un nouveau psychodrame". Lundi à Bruxelles a lieu un Eurogroupe pour discuter d'une poursuite de l'aide financière à Athènes.

Dans le livre avec son collègue allemand, M. Sapin plaide pour une solution sur la restructuration de la dette grecque, comme le demande M. Tsipras. M. Schäuble, lui, reste silencieux.

Un différend en vue? "L'Allemagne et la France peuvent avoir des entrées divergentes sur des sujets comme la Grèce, mais c'est toujours par un accord entre Paris et Berlin que l'on sort de ces divergences", a souligné M. Sapin, interrogé par l'AFP.