J'étais en couple et un site de rencontres m'a donné le déclic
INFIDÉLITÉ - La grosse pomme croquée à moitié semblait me sourire. Je lui ai souri en retour et puis j'ai détourné la tête. Là, sur le quai du métro, face à cette affiche vantant les mérites d'un site pour rencontres adultères, j'ai su que la page était tournée: je n'étais plus tentée. Ou si peu. Comme quand l'ancienne fumeuse que je suis sent l'odeur de la cigarette: une bouffée de nostalgie...Et puis le soulagement. La lutte avait été âpre. J'en ressortais forte et fière, mais lessivée.
L'année de mes 40 ans, j'étais restée des heures à regarder le lave-linge tourner. Seule dans ma cuisine. Les enfants étaient couchés, mon mari, Lucas, quelque part entre l'ordinateur et la télé. J'appelais ça "ma pause de non-clope" depuis que j'avais arrêté de fumer. Hypnotisée par l'écume du linge, je listais mentalement les raisons que j'avais d'être heureuse: trois ados qui poussaient à peu près droit; un mari attentionné; une maison consciencieusement retapée; et même un cabanon dans le Sud! Ma vie était une carte postale: jolie certes, mais figée. La vérité, c'est que je m'ennuyais à mourir.
Enquête sur l'adultère
Heureusement, mon travail me passionnait. Documentaliste, je fournis, à partir d'archives ou d'enquêtes de terrain, des données sociologiques aux clients. Cette année-là, un réalisateur me demande un état des lieux sur l'infidélité en France. Très excité par son sujet, il me lance: "On trompe comme on respire, aujourd'hui!" Et les nanas, presque autant que les mecs...". J'ai haussé les épaules: les coups de canif au contrat, très peu pour moi. Élevée dans un milieu conservateur, je considérais la fidélité comme une valeur non négociable. Mais, piquée par la curiosité, je me suis mise au travail le soir-même.
J'ai commencé par les sites de rencontres pour infidèles: récents en France, ils faisaient tout pour se faire repérer sur Internet. Facile, donc. Une simplicité diabolique même: "Gratuit pour les femmes", "Anonymat gratuit", "Sécurité assurée". En deux clics, j'avais crée mon faux profil- par pure conscience professionnelle bien entendu! Quasi immédiatement, Léo78 (moi) recevait un premier message qui commençait comme ça: "A pseudo androgyne, fantasmes troubles, non?" Non. J'ai rougi comme une collégienne et refermé d'un coup le clapet de mon portable. Deux minutes chrono plus tard, j'étais au lit, la tête enfouie dans le cou de Lucas. J'ai eu du mal à trouver le sommeil...
« Je n'en pouvais plus de faire passer les désirs des miens avant tout, de mettre un couvercle sur les envies et mes rêves... »
Déchirer la carte postale
Quelques semaines plus tard, mes meilleures amies m'offrent une virée sur la côte basque pour mon anniversaire. La totale: thalasso, casino, champagne... Beaucoup trop de champagne. En boîte, je danse, les bulles me montent à la tête. Assis seul au bar, Benoit porte un pull improbable. Je n'ai plus de filtre, je lui dis, je ris. Il rit aussi. J'aime son rire.
Il se rapproche de moi pour me parler, j'aime aussi son odeur, poivrée juste ce qu'il faut. Il caresse ma joue. Ce geste, d'une tendresse incroyable, à un moment et dans un lieu où elle n'a pas lieu d'être, me fait totalement basculer: je l'embrasse. Je fonds en larmes. Et puis je ris de nouveau: "Zut, j'ai des yeux de panda...". Benoît sourit: "Même les pandas ont besoin de prendre l'air. Viens!". Il m'entraîne sur la promenade...
S'il attendait à un moment romantique, il est servi: à ma plus grande surprise, je déballe tout. Mes 40 ans, mes rides qui pointent, ma vue qui baisse, mes ados que je ne vois plus, mon mari qui ne me voit plus et que je vois trop - et même mes "pauses de non-clope" devant le lave-linge. Benoît écoute, stoïque et voit, lui sa nuit filer sous le nez: le tableau que je viens de brosser m'a coupé toute envie. Je suis rentrée à Paris. Flottante. Pour la première fois de ma vie, j'avais déchiré la carte postale...
Respirer après des années d'apnée
La suite est moins théâtrale. Sans un bruit, un soir, j'ai rouvert mon portable. Me suis reconnectée sur le site. Ai lu mes messages. Ai décidé de donner suite à l'un d'entre eux - un certain "Paolo", choisi pour son pseudo et sa promesse de dolce vita. Il donnait très peu de détails sur lui, mais moins j'en savais, plus le frisson était grand. Et j'avais tant besoin de frissons! Je n'en pouvais plus de faire passer les désirs des miens avant tout, de mettre un couvercle sur mes envies et mes rêves... J'étais déterminée: j'irais à ce rendez-vous. C'était comme si je respirais de nouveau après des années d'apnée.
Minijupe en cuir, pull chauve-souris découvrant une épaule, talons hauts: j'avance, souveraine, dans le bar de cet hôtel où nous nous sommes donnés rendez-vous, "Paolo" et moi. C'est inexplicable, mais nous nous sommes reconnus tout de suite. Il a déjà pris la clé de la chambre et je suis ravie d'éviter le regard de la réceptionniste.
Une fois la porte refermée, c'est un tourbillon de vêtements, des peaux qui se frottent, deux corps, avides, qui s'explorent...Son envie était aussi grande que la mienne: l'étreinte est à la hauteur de mes attentes. Mais l'heure tourne et je dois filer. Embarrassée, je cherche une sortie honorable: comment ne pas donner suite sans passer pour je ne sais quoi?".
Paolo me devance: "On ne vient pas sur ce site pour vivre une histoire, hein? On a pris du plaisir, et c'est toujours ça de gagné!". Il m'embrasse, quitte la chambre, me laissant légèrement stupéfaite. C'est donc aussi simple que ça? Oui, si j'en crois le reste de ma journée. Qui s'est déroulée comme les précédentes: dîner avec les enfants, Lucas devant la télé, moi devant le lave-linge...Sauf que, ce soir-là, j'étais bien. Le verrou avait sauté.
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