PenelopeGate : "La séquence des boules puantes est ouverte"? Non, cela fait huit mois qu'elle bat son plein
PRÉSIDENTIELLE 2017 - Peaux de banane, petites vengeances et vrais règlements de compte... les échéances électorales coïncident toujours avec des affaires politico-judiciaires visant les candidats ou leur entourage. Le phénomène est à ce point communément admis que le premier réflexe de défense de François Fillon, mis en cause pour avoir employé son épouse en tant que collaboratrice parlementaire pour des missions encore obscures, aura été d'accuser la calomnie.
"Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte. Je ne ferai pas de commentaire parce qu'il n'y a rien à commenter", a réagi ce jeudi le député de Paris aux accusations du Canard Enchaîné qui, témoignages à la clé, évoque explicitement un emploi fictif.
Boule puante? Le terme désigne précisément ces petits dossiers embarrassants sortis opportunément du placard par un adversaire politique, un rival éconduit ou un collègue maltraité. En voici un autre exemple signé Rachida Dati.
Nouveaux SMS menaçants signés Rachida Dati (in @LEXPRESS) pic.twitter.com/BThsubtDhi
— Sylvain Chazot (@sychazot) 24 janvier 2017
Précision d'importance: une boule puante a vocation à salir en jetant le discrédit sur un comportement passé ou présent. Elle n'en est pas vraie pour autant... ni forcément fausse.
La décision du parquet national financier d'ouvrir une enquête préliminaire sur la réalité des fonctions de Pénélope Fillon démontre au moins que les accusations sont prises au sérieux. A moyen terme, l'investigation permettra d'incriminer ou de disculper l'épouse de l'ancien premier ministre. Mais en attendant, cette enquête ouverte pour "détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits" adresse une douloureux correctif à la posture d'intégrité adoptée par François Fillon pendant la primaire pour se distinguer de ses rivaux Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.
Jusqu'ici, le député de Paris avait été plutôt épargné par ces dossiers embarrassants, longtemps protégé par son statut de "troisième homme de la primaire". Mais pour d'autres candidats, la "séquences des boules puantes" a commencé il y a bien plus longtemps.
Macron, de l'ISF aux frais de bouches
S'il en est un qui ne se plaint pas du #PenelopeGate, c'est bien Emmanuel Macron. La boule puante Pénélope Fillon a le mérite d'en éclipser une autre le concernant directement. Depuis 48 heures, des députés proches de François Fillon accusent le candidat d'En Marche d'avoir abusé de son statut de ministre de l'Economie pour préparer le lancement de son mouvement politique.
S'appuyant sur les révélations d'un livre, Dans l'enfer de Bercy (éd. JC Lattès) des journalistes Frédéric Says et Marion L'Hour, Philippe Vigier, porte-parole de François Fillon et président du groupe centriste à l'Assemblée, et Christian Jacob, patron des députés LR, accusent le jeune candidat d'avoir utilisé "à lui seul 80% de l'enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère par le Budget. En seulement huit mois, jusqu'à sa démission en août".
"Il faut que ces parlementaires fassent attention parce que la diffamation a un sens juridique", a réagi Emmanuel Macron depuis le Liban. "Je ne suis pour ma part pas un ministre qui payait des collaborateurs à s'occuper de ma circonscription. Je ne suis pas un ministre qui payait des collaborateurs à faire vivre un parti politique", a-t-il riposté, renvoyant ses adversaires à leurs propres "turpitudes".
Nouvelle boule puante? En poste à Bercy, Emmanuel Macron n'a eu de cesse de se battre contre ce qu'il décrivait comme "des attaques injustes". En juin 2016, alors qu'il s'apprêtait à prendre son envol, la presse avait dévoilé une réévaluation du patrimoine de son couple par l'administration fiscale le contraignant à payer l'ISF. "Il y a des gens qui veulent créer des polémiques, il y a manifestement une volonté qui arrive à un moment qui n'est pas innocent", s'était-il indigné à l'époque. En novembre, alors quasi-candidat, l'ancien ministre avait dû se défendre face aux rumeurs sur sa vie privée: "Il y a des gens qui n'ont aucune morale, qui pensent que tout est permis en politique à commencer par le mensonge".
La fine frontière entre boules puantes et vraies affaires
Et avec l'installation des primaires dans la vie politique, les boules puantes électorales partent de plus en plus tôt et sont lancées de plus en plus souvent de l'intérieur. En pleine campagne pour la primaire écologiste, l'ancienne ministre Cécile Duflot avait dû répondre des accusations, déjà dans Le Canard Enchaîné, lui reprochant d'avoir "grugé l'Urssaf de plus de 50.000 euros, sur un total de 118.500 euros d'indemnités transactionnelles" lors de la liquidation du groupe écologiste à l'Assemblée. L'affaire n'a toujours pas connu de suite judiciaire, mais la députée de Paris a été éliminée dès le premier tour de la primaire.
Au début de la primaire socialiste, les ardoises laissées au Parti socialiste et au groupe PS à l'Assemblée par Vincent Peillon et Arnaud Montebourg pour des montants dépassant plusieurs milliers d'euros, s'étaient fort opportunément invitées dans les débats. Mais la crise avait tourné court, le Parti socialiste privilégiant la paix des braves aux règlements de comptes.
A une semaine du premier tour de la primaire de la droite, le témoignage du sulfureux homme d'affaires Ziad Takieddine affirmant avoir remis trois valises d'argent libyen à Nicolas Sarkozy avait lui aussi été écarté comme une tentative de déstabilisation. "Quelle indignité. Sur le service public, vous n'avez pas honte de donner crédit à un homme qui a fait de la prison qui a été condamné à d'innombrables reprises pour diffamation et qui est un menteur...", avait réagi par le mépris l'ancien président de la République en direct à la télévision.
Gare toutefois à ne pas confondre le temps des boules puantes avec le calendrier judiciaire. Lui aussi visé par l'ouverture d'une information judiciaire dans l'enquête portant sur des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen, le Front national a encore dénoncé en janvier une "instrumentalisation classique de la justice à quelques semaines d'une élection présidentielle". Problème: l'affaire ne date pas de 2017. L'enquête préliminaire a été ouverte en mars 2015.
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