Au procès des parents d'Inaya, deux versions pour un même martyr
Une enfant amorphe et couverte de bleus, morte après une ultime poussée de violences. Les parents d'Inaya ont livré mercredi leur récit des derniers moments de leur fille, devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis.
Au cinquième jour du procès en appel, Bushra Taher-Saleh raconte qu'avant le décès d'Inaya, qu'elle situe "huit à dix jours" avant Noël 2011, son compagnon Grégoire Compiègne lui avait demandé de "booster" la petite qui n'avait pas bougé de son lit.
"Pourquoi elle est amorphe comme ça toute la journée ?" interroge Rodolphe Costantino, avocat de l'association Enfance et partage.
"C'est à force de donner des coups", répond la mère, qui attribue ces violences à son ex-compagnon. Le président de la cour rappellera que l'autopsie a montré qu'Inaya, 20 mois, avait eu des cotes fracturées trois semaines avant son décès. Une partie de son visage avait également été brûlée sous un jet d'eau chaude.
"Elle est déjà à ce point faible cette petite fille..." glisse l'avocat, pour qui Inaya devait être "déjà dans l'antichambre de la mort".
D'après la mère, Grégoire Compiègne avait voulu prendre la petite dans ses bras, qui pleurait, ce qu'il ne supportait pas: "Coups de pied et de poing", Inaya est "secouée" et ne bouge plus, relate-t-elle.
Elle explique avoir dormi à côté de son corps sans vie cette nuit-là, amené son fils à l'école au matin, puis l'avoir lavée, habillée sans omettre la couche, et glissée dans trois sacs poubelles - suivant les instructions du père, selon elle.
- "Coresponsable" -
Le corps a été enterré dans la forêt, à 800m du domicile familial d'Avon (Seine-et-Marne). Il sera exhumé plus d'un an plus tard, en janvier 2013.
Devant la police, Bushra Taher-Saleh avait d'abord dit que son fils, né deux ans avant Inaya, avait causé sa mort. Elle s'était ensuite accusée avant de se rétracter.
Elle explique avoir voulu "protéger" le père, qui la menaçait et lui faisait "peur".
"Je vous promets que je l'ai pas tuée", assure-t-elle.
"Dis-le, ce que t'as fait", intervient Grégoire Compiègne.
"Elle la frappait régulièrement, elle la mettait de côté, elle l'enfermait dans sa chambre", affirme-t-il.
D'après lui, le soir de la mort d'Inaya, la petite avait une nouvelle fois réclamé la dame chez qui elle avait été placée peu après sa naissance, jusqu'à ce que les parents récupèrent la garde, un an et demi plus tard.
"Mlle Taher s'est levée, l'a rouée de coups sur son lit en lui demandant de se taire", dit-il.
Pourquoi n'a-t-il pas appelé les secours ? "Je voulais pas être séparé d'elle et des enfants, je voulais pas qu'elle aille en prison, je voulais pas qu'on soit tous séparés", sanglote-t-il.
"Ne vous sentez-vous pas coresponsable du décès puisque votre fille n'est pas décédée des ultimes coups, mais d'un épuisement sur plus de quatre mois, de ne pas manger, ne pas sortir et ne pas avoir d'amour ?" lui demande l'avocat général.
"Oui, souffle Grégoire Compiègne. Je m'estime pas mieux qu'elle (l'accusée) parce qu'en effet j'aurais pu la sauver."