La politique de l'exécutif "pas à gauche", et "même à droite" pour Cazeneuve
L'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve juge que la politique menée par l'exécutif n'est "pas à gauche" et "même à droite", dans un entretien au Monde daté de dimanche-lundi, où il critique notamment les choix budgétaires.
Comme on lui demande où il situe cette politique, M. Cazeneuve répond : "Elle n?est pas à gauche, c?est certain. Elle est même à droite, je le regrette, car je sais aussi que si le sentiment de l?injustice gagne, les réformes seront compromises".
"Or le pays a besoin de réformes et ce risque ne peut pas être pris, sauf à accroître les tensions au sein de la société et à nourrir l?extrémisme. Face à ces enjeux, la démocratie sociale doit gagner en force, et la gauche en crédibilité", ajoute celui qui fut le dernier chef du gouvernement de François Hollande.
Il glisse aussi qu'il se "méfie beaucoup de toutes les mouches qui volent et que l?on prend pour des idées nouvelles". "Je pense par exemple que le clivage droite-gauche, dont la disparition est le ferment de ce prétendu +nouveau monde+, perdurera. Je redoute qu?avec le temps, la revendication du dépassement de ce clivage, ne dissimule en réalité une propension à être tout simplement de droite", lance M. Cazeneuve.
Sur le projet de loi de finances 2018, qu'il n'aurait "pas pu voter", cet ex-ministre du Budget se demande si "ce qui est proposé est juste" et voit un gouvernement "pris au jeu de ses contradictions".
"Dans le même temps où le gouvernement explique qu?il n?a pas de marges de man?uvre, il trouve le moyen de faire plus de 5 milliards d?euros de baisses d?impôt au profit des plus riches des Français, en supprimant quasiment l?impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et en allégeant la fiscalité sur les revenus du capital !", expose-t-il.
Et "dans le même temps, la contribution sociale généralisée (CSG), notamment celle des retraités, augmente et les contrats aidés qui ont une utilité sociale sont sérieusement rabotés", note M. Cazeneuve. Quant au "pouvoir d?achat supplémentaire résultant de la baisse des cotisations sociales", il sera "pour partie payé par les salariés eux-mêmes qui verront leur CSG augmenter", critique-t-il.
Il conteste le procès en insincérité fait au quinquennat précédent, vantant la baisse de deux points du déficit malgré la crise persistante et les attentats, et regrettant une "communication des ministres de Bercy (...) inélégante et (...) inexacte".
Interrogé sur les mots "bordel" ou "fainéants" employés par Emmanuel Macron, l'ancien Premier ministre souligne que "le président de la République incarne (...) la nation tout entière" et "est condamné à la retenue".
"L?idée, véhiculée en son temps par Nicolas Sarkozy, qu?un bon président est forcément transgressif, n?est pas juste. Dans un pays qui a besoin de voir ses forces galvanisées pour engager les réformes, la transgression suscite des tensions dont on pourrait faire l?économie", avertit-t-il.
Désormais avocat, M. Cazeneuve invite aussi "la gauche de gouvernement à se reconstruire", convaincu "qu?il y aura pour elle un printemps", mais "les ego (doivent) s?effacer".
Cette gauche est "celle de l?espérance, des indignations justes", pas de "toutes les colères ni des outrances verbales qui sont autant d'impasses (...)", lance-t-il. "Jean-Luc Mélenchon, par exemple, abaisse, à force d?excès et d?insultes, la parole politique", juge-t-il.