Meilleure coordination et sanctions dissuasives : la traque de la fraude de plus en plus efficace dans le Cantal
Pour le préfet Laurent Buchaillat, la fraude en général – fiscale, sociale… – est un coup de canif dans le « pacte social ». Pour lutter plus efficacement, les administrations communiquent désormais mieux et traquent les anomalies pouvant cacher une fraude.
La montée en puissance est franche dans le Cantal : 124 contrôles ont été réalisés dans le cadre du Comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf), en 2023, contre 54 en 2022. Il y a, derrière ce chiffre, des réalités très différentes tant cette instance réunit des administrations diverses, sous l’autorité administrative du préfet Laurent Buchaillat et judiciaire du procureur Paolo Giambiasi.
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Il y a là France Travail, (ex-Pôle emploi), la Direction départementale des finances publiques, la CPAM, la Caf, l’Urssaf, l’Agence régionale de santé, la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations… Des services divers, capables de trouver ici un trop-perçu de chômage, là une entreprise construite comme une coquille vide qui envoie des arrêts maladie qui n’existent pas et touchent la compensation… En matière de montant, cela va d’une petite goutte à l’échelle du département, jusqu’à plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d’euros.
Du simple oubli au système organiséLe Codaf revendique donc, en 2023, 799 dossiers frauduleux dénichés, pour 4,458 millions d’euros de préjudice en recouvrement – l’immense majorité allant à la Direction départementale des finances publiques (DDFiP), qui enregistre un taux de recouvrement de 80 %, sur un préjudice de 3,3 M€.
Le gain en efficacité est salué. « Il y a dix ans, tout était plus segmenté, note Laurent Buchaillat. La loi a évolué et a permis d’optimiser les échanges d’information. » Aujourd’hui, les logiciels de traitement de données permettent « de mobiliser énormément d’information, explique Sylvia Naboudet, de la DDFiP. Pour un humain, cela prendrait beaucoup de temps. »
L’informatique déniche les anomalies, croise les informations entre tous les fichiers et le contrôleur peut terminer le travail. Il reste à faire preuve de discernement. Il y a les fraudes, d’un côté, les erreurs, de l’autre. « On recherche l’intentionnalité », explique Pascal Pons, pour la Caf, « on marche sur ces deux jambes, continue Sylvia Naboudet. Il y a des dossiers où la personne est de bonne foi, mais les affaires de nature répressive sont en hausse. »
Des sanctions qui se cumulentAprès l’administratif, le judiciaire peut s’en mêler. « On poursuit davantage qu’avant, prévient le procureur Paolo Giambiasi. On veut envoyer un signal. » Le signal est à prendre au sérieux puisque les pénalités, les amendes, les sanctions et d’éventuelles saisies se cumulent.
Il prend l’exemple d’un professionnel de santé poursuivi il y a plusieurs mois, qui a écopé d’une très lourde amende, d’un redressement et qui est poursuivi par son ordre. « Cela peut faire très mal, confirme le magistrat. Les sanctions tombent de tous les côtés, sur le plan pénal, fiscal, disciplinaire… C’est, à mon avis, dissuasif. »À la hauteur de l’enjeu. « Il n’y a rien de plus délétère pour le pacte social qu’un citoyen puisse penser que son voisin ne paye pas l’impôt ou reçoit des prestations sociales qui ne devraient pas lui être accordées », estime Laurent Buchaillat.
Il nuance : « Tout le monde ne fraude pas. Faire passer cela pour un comportement courant n’est que manipulation. »
Pierre Chambaud