Il a l'art dans la peau... un artiste invite le public à le tatouer à l'occasion de son exposition à Brive
Une expo du plasticien Sébastien Layral D’Allessandro est visible à la chapelle Saint-Libéral à Brive (Corrèze), jusqu’au 30 juin. Avec un temps fort : en mai, il proposera une performance artistique exceptionnelle, intitulée LibrE. Les visiteurs seront invités à faire des tatouages sur sa peau.
Charismatique, ceinture noire 4e dan d’Aïkido, il est à mi-chemin entre un artiste samouraï et un moine zen. Ses œuvres, fortes en émotions, lévitent entre le classicisme technique et une démarche conceptuelle nourrie de philosophie, d’humanisme et d’arts martiaux.
Deux toiles, de 8 et 9 mètres de long Les œuvres de Sébastien Layral questionnent notre rapport au monde. Photo : Stéphanie ParaNé à Rodez, établi à Châtel-Guyon, le plasticien Sébastien Layral D’Allessandro présente jusqu’au 30 juin à la chapelle Saint-Libéral, son exposition DesÉquilibres composée des œuvres issues de la période allant de 2014 à 2024.
On verra pour l’occasion deux nouveautés. Tout d’abord, il n’y a aucun texte d’explication. C’est la première fois que pour chaque série d’œuvres, l’artiste évoque sa démarche artistique dans les vidéos réalisées par Raphaël Josse (ville de Brive). Partie intégrante de l’exposition, celles-ci sont diffusées sur plusieurs écrans.
Par ailleurs, jamais, on a exposé avant à la chapelle Saint-Libéral deux tableaux d’une aussi grande taille (8 m et 9,10 m sur 2,5 m). « Ce sont des formats dans lesquels l’artiste est très libre, explique Sébastien Layral. C’est tout son corps qui travaille. Mais, ils demandent tellement d’efforts qu’à un moment ou un autre, il y a une guerre avec soi sur sa façon d’être à son travail. Je m’y dégage aussi de toute dimension commerciale ou spéculative. Je sais que je ne les vendrai jamais. »
Dans le parcours de Sébastien Layral de 1987 à ce jour : 110 expositions dont celles de Paris, Rome, Berlin, Venise et Miami. 1.238 œuvres peintes, 37 performances participatives. Il entend les arts plastiques comme l'espace d’expérimentation d’une idée de vie.
Une danseuse étoile et Joey StarrSur l’un de ces grands tableaux, l’artiste a peint un enfant migrant ivoirien, Siaka, qu’il a accueilli avec sa femme. Il est étendu au sol, dans la même position qu’un autre migrant, Aylan, ce petit Syrien de 3 ans, noyé et échoué sur une plage de la mer Égée en Turquie, dont la photo a bouleversé le monde entier.
Cette œuvre de Sébastien Layral est destinée à servir de support pour une performance artistique exceptionnelle, avec une danseuse étoile, Marie-Agnès Gillou et le rappeur et comédien Joey Starr.Né à Rodez, le plasticien est établi à Châtel-Guyon. Depuis 2016 il préside l’association humanitaire FA.ZA.SO.MA. qui combat la paupérisation des enfants et des personnes âgées à Madagascar. Elle permet de scolariser et de nourrir 1.000 enfants et aide au quotidien 200 adultes. Photo : Stéphanie Para
L'art pour changer le monde« Les artistes qui m’ont nourri voulaient changer le monde, explique le plasticien. J’ai beaucoup d’affection et d’appétence pour cette définition de l’art. Tous les matins, je pousse les portes de mon atelier et je passe mon temps en essayant de faire comme eux. » D’ailleurs, l’artiste a fait sienne la phrase de Robert Filliou : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. »
Sa peau est devenue aussi un support artistique. Sébastien Layral incarne chacune de ses séries peintes, avec un tatouage sur sa peau. « Je mets mon corps directement en rapport avec mon propos. La douleur a un côté rituel. »
« On a eu le temps de tout se dire »L'artiste devant le portrait de sa femme disparue. Photo : Stéphanie ParaDans une de ses séries, Sébastien Layral, revisite à sa manière le mythe de Sisyphe d’Albert Camus, en lien avec la sculpture de Sisyphe dans le jardin des Archives municipales de Brive.
« Mon épouse est décédée, il y a trois semaines. Elle était malade depuis trois ans. J’ai eu de la chance. On a eu le temps de tout se dire. Je l’ai accompagnée jusqu’au bout. C’est tellement absurde de voir partir quelqu’un qui a fait un travail aussi lourd. »
Sa voix s’étrangle, ses yeux rougissent : « C’est une catastrophe complète pour moi, un grand déséquilibre dans ma vie. Ma part personnelle est amputée de moitié. Mais, ma part humaine est entourée comme elle ne l’a jamais été. Je suis donc dans l’absurde, comme Sisyphe qui descend de sa montagne. J’en profite pour aimer ma tristesse qui est profonde et partager cette émotion, en toute humilité. »
Sur sa peau. Le samedi 18 mai à 17 heures, Sébastien Layral proposera une performance artistique exceptionnelle, intitulée LibrE. Au programme : échange avec le public, un moment musical... Puis, les visiteurs seront invités à faire des tatouages sur la peau de l’artiste.
Dragan Perovic