Ce que l'on sait de l'opération anti-drogue menée dans l'Yonne et du placement en garde à vue de la maire d'Avallon

Après la série d'interpellations et les perquisitions survenues dimanche 7 avril 2024 à Avallon dans le cadre de la lutte contre les trafics de stupéfiants de l'Yonne, la procédure entre dans "un temps plus long" rappelle le procureur de la République d'Auxerre. Avec un régime de la garde à vue dont la durée pourrait aller jusqu'à 96 heures. Décryptage.

Sept personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, dont la maire (DVG) d’Avallon et deux de ses frères, dimanche 7 avril 2024, dans le cadre d'une opération de lutte contre les trafics de stupéfiants. Au lendemain de cette série d'interpellations et de perquisitions, voilà ce que l'on sait de cette affaire.

"À ce stade de l'enquête, sept personnes ont été placées en garde à vue. Parmi elles, figurent la maire avallonnaise, Jamilah Habsaoui (DVG) et deux de ses frères" indiquait dimanche soir le procureur de la République d'Auxerre, Hugues de Phily, en charge du dossier. Les identités des quatre autres personnes n’ont pas été dévoilées. Juste, sait-on que leurs domiciles ont été perquisitionnés par les gendarmes. Pour rappel, à ce stade de la procédure, toutes ces personnes, y compris la maire d'Avallon, bénéficient de la présomption d'innocence.

"Au moins 70 kg de cannabis, 983 grammes de cocaïne, 20 lingots d’or et 7.000 euros en liquide ont été saisis", a confirmé le parquet d'Auxerre, sans préciser les lieux où ont été effectuées les saisies. "Des perquisitions ont été opérées dans un domicile qui paraît être celui de la maire d'Avallon et dans lequel des quantités importantes de résine de cannabis ont été découverts", confirme juste le magistrat auxerrois. Des sources concordantes indiquent que des armes auraient été également retrouvées par les gendarmes au cours de leurs investigations. Information sur laquelle Hugues de Phily n'a pas voulu s'étendre.

Dès 6 heures, dimanche 7 avril, plusieurs perquisitions ont eu lieu, principalement dans le quartier de la Morlande à Avallon. L’une des cibles principales des gendarmes fut la maison familiale de la maire d’Avallon, Jamilah Habsaoui. Propriété acquise il y a trois ans par l’élue, mais qui n’est pas son domicile principal. Dans le pavillon réside en effet son père, malade, dont s’occupe à tour de rôle la fratrie. Mais c’est bien à cette adresse que les enquêteurs ont saisi une importante quantité de cannabis et de cocaïne, "cachée dans une dépendance" a-t-on appris de sources concordantes.

Selon des informations recueillies sur place par L’Yonne républicaine, la maire n’était pas présente dans la maison familiale lorsque les gendarmes ont investi les lieux. Alertée par sa sœur, Jamilah Habsaoui s’est rendue sur place, librement, vers 7 h 30, puis elle a été placée en garde à vue. C'est dans la maison familiale de Jamilah Habsaoui que les enquêteurs ont saisi 70 kg de cannabis.

Suivant la procédure, les enquêteurs de la brigade de recherches d’Avallon, accompagnés d’une unité cynophile, ont effectué plusieurs perquisitions au cours de la journée du 7 avril. Après avoir quitté la maison familiale de la Morlande vers 15 h 30, ils se sont rendus dans la pharmacie où travaille l’élue. Mais aussi dans les locaux de l’hôtel de ville. Dans l’intervalle, la voiture personnelle de la maire d'Avallon a également été saisie.

Plusieurs unités du groupement de gendarmerie de l'Yonne (près de 70 militaires) ont été mobilisées sur l'opération anti-drogue de dimanche. Un dispositif renforcé par la section de recherches de Dijon. L'enquête est conduite par la brigade de recherches de la compagnie de gendarmerie d'Avallon. La maire d'Avallon, ses deux frères et les quatre autres personnes placées en garde à vue ont d'ailleurs passé la nuit de dimanche à lundi dans les locaux de la compagnie d'Avallon, situés à l'entrée du quartier de La Morlande.

Selon une source proche du dossier, c’est l’un des deux frères de Jamilah Habsaoui, âgé d’une cinquantaine d’années et déjà condamné à de la prison ferme par le passé pour des faits similaires, qui serait plus particulièrement dans le viseur des gendarmes.

Le procureur de la République d'Auxerre joint par téléphonne ce lundi 8 avril 2024 a laissé entendre que la garde à vue pourrait se prolonger au-delà de 48 heures. "Pour des dossiers de stupéfiants, ça peut aller jusqu’à 96 heures", précise le magistrat. À l’issue des auditions des personnes en garde à vue, le parquet peut demander un renvoi de l'affaire devant un tribunal correctionnel, sous la forme d'une comparution immédiate ou non. Il peut aussi décider d'un classement sans suite si les charges retenues ne sont pas suffisantes.

Le régime de la garde à vue doit permettre aux enquêteurs, s'agissant notamment de Jamilah Habsaoui, de déterminer son degré d'implication dans ce trafic de stupéfiants. De définir sa connaissance ou non de l’existence des 70 kg de cannabis dans une maison dont elle est la propriétaire. Implication que Jamilah Habsaoui aurait réfutée avec force dès sa première audition.La pharmacie, lieu de travail de l'élue, a, elle aussi, reçu la visite des gendarmes.

Pour l'heure, le placement en garde à vue de la maire d'Avallon n'a pas de conséquence immédiate sur l'administration de la commune. La majorité municipale est en place, réunie autour de Léa Coignot (première adjointe), d'Alain Guittet (deuxième adjoint) ou encore de Sophie Manigault-Terre (troisième adjointe). Une majorité municipale qui est restée silencieuse depuis ce dimanche et qui a fait savoir aux journalistes de L'Yonne républicaine qu'elle ne prendrait pas publiquement la parole tant que Jamilah Habsaoui est en garde à vue. L'équipe municipale s'est réunie à deux reprises, dimanche 7 avril et lundi 8 avril, à l'hôtel de ville, mais aucune information n'a filtré sur le contenu de ces deux réunions de crise. Aucune réaction, pour l'heure, de l'opposition municipale, qui dit attendre d'en savoir plus sur l'enquête de gendarmerie.

Bio express. Née à Avallon, Jamilah Habsaoui, 46 ans, est maire d’Avallon depuis 2021, après avoir été conseillère municipale depuis 2014, puis première adjointe de Jean-Yves Caullet, son prédécesseur. L'élue est aussi conseillère régionale déléguée en charge de la ruralité pour la Bourgogne Franche-Comté.

Franck Morales, avec Justin Escalier et Alexis Gaucher