“Les papillons du bagne”, le nouveau livre drôle et engagé de Jean Rolin

Il était parti pour parcourir la Côte d’Azur à pied mais se retrouve finalement en Guyane, parce qu’il a été intrigué par une scène anodine d’un film de 1973 – Papillon de Franklin J. Schaffner -, visionné par hasard dans une chambre de l’Ibis budget de Hyères. Ainsi, de lectures en rencontres, de descriptions en souvenirs, de surprises en surprises, Jean Rolin nous emmène avec lui.

Ce n’est pas seulement un récit que Rolin écrit, c’est une façon d’organiser la vie, de donner un sens à l’absurdité apparente des choses. Éléments disparates, personnages sortis du passé ou de la littérature, scènes incongrues, l’auteur d’Ormuz (2013) établit des liens, et petit à petit se dessine une histoire qui court sous mille autres, celle du commerce de papillons dans la première moitié du XXème siècle en Guyane, mis en place par un entrepreneur malin qui savait tirer profit des somptueuses ailes bleues d’une espèce locale. Car c’est aussi cela que raconte l’écrivain : l’essor du capitalisme dans un contexte colonial et ce qui va avec, le pillage des richesses et l’exploitation éhontée des hommes.

Marchés de Cayenne

Ainsi, avec un humour discret, Jean Rolin propose une lecture du monde, ce grand village interconnecté qu’il arpente depuis des années. En nous apprenant, entre autres, que des collectionneurs de papillons se réunissent régulièrement à l’occasion d’une foire à Juvisy, “manifestation qui se tient chaque année, à moins de pandémie, le dernier week-end de septembre”, ou que des membres de la communauté Hmong, présente dans le sud-est asiatique et qu’il avait lui-même découverte lors d’un voyage en Chine, se sont installés en Guyane dans les années 70, après avoir fuit le régime communiste laotien via des camps du nord de la Thaïlande. “Depuis, forts de leur expérience dans les montagnes du Laos, les Hmongs ont développé une agriculture vivrière que personne avant eux, semble-t-il, n’avait été capable d’acclimater en Guyane, et tout le monde, y compris sans doute les indépendantistes, se réjouit de pouvoir grâce à eux trouver des fruits et des légumes en abondance sur les marchés de Cayenne.”

Les papillons du bagne, de Jean Rolin (POL), 208 p.,  19 €. En librairie.