La commanderie de Varetz, porte d'entrée dans l'histoire des Templiers et Hospitaliers en Corrèze

Les visites d’une ancienne commanderie à Varetz (Corrèze) permettent de rouvrir au public un patrimoine tombé dans l’oubli, celui des Templiers et Hospitaliers. Le site privé est intégré dans un réseau en vallée de la Vézère qui plonge habitants et touristes dans l’histoire de ces ordres religieux entourés de mystères et de légendes.

La commanderie de Mons à Varetz (Corrèze), qui a appartenu aux Templiers du XIIe au début du XIVe siècle puis aux chevaliers Hospitaliers de l’Ordre de Malte, est tombée dans le domaine privé, après la Révolution, suite à la vente comme bien national. Ce lieu, où trois familles se sont succédé comme propriétaires, est donc resté fermé sur lui-même pendant des années, jusqu'à sa réouverture récente à l'initiative de Brive Tourisme.

Marc-Olivier Agnès, chargé de projet Patrimoine Templier & Hospitalier en vallée de la Vézère, a réussi à persuader la nouvelle propriétaire de partager ce site chargé d’histoire au public : « C’est une professeure agrégée d’histoire qui a acheté le bâtiment pour en faire une location saisonnière ; elle est sensibilisée à la préservation et transmission du patrimoine. La visite de ce site est une opportunité exceptionnelle. »

Visites. Les prochaines auront lieu à 10 h 30, le mercredi 1er mai (visite de la commanderie seule, 12 €), et vendredi 17 mai (commanderie et chapelle, 15 €). Réservation au 05.55.24.08.80. D’autres devraient être programmées à partir de septembre 2024. La chapelle peut se visiter librement en demandant les clés à la mairie de Varetz.

Même si l’ouverture au public ne compte que quelques dates par an, cette autorisation est inespérée dans la démarche de ce guide de Brive Tourisme qui s’est donné comme mission de valoriser le patrimoine des deux ordres religieux, un peu tombé dans l’oubli en Corrèze et souvent inaccessible en raison de leur caractère privé : « Le long de la Vézère, on trouve pourtant une densité particulièrement importante des traces des commanderies des Templiers et Hospitaliers. Elles ont été construites sur des terres données par les grands seigneurs de la région, de retour des Croisades : les Comborn, les Ventadour, les Turenne ou les Hautefort. »

La visite de la commanderie de Mons permet de plonger dans leur histoire truffée de légendes. Les Templiers sont arrivés au XIIe siècle sur ce promontoire de la Vézère, juste en face de Castel Novel, et ont créé une ferme de rapport, qui permettait de rapporter de l’argent pour leur mission auprès des pèlerins en Orient.

« Leur venue en Corrèze s’explique par la présence importante de vignes au Moyen-Âge : l’exploitation viticole intéressait beaucoup les religieux, précise Marc-Olivier Agnès. C’était d’abord une dépendance d’Ayen, mais après la destruction de cette dernière pendant les guerres de religion, Varetz est devenu le site principal.  »

L'écurie et la maison d'habitation de la commanderie existent toujours. Une croix est le témoin d'un ancien cimetière. La commanderie de Mons a été construite sur le même schéma que les autres sites agricoles des Templiers : une ferme fortifiée avec un bâtiment d’habitation, une grange, un pigeonnier… qui sont encore visibles aujourd’hui. « D’après des archives datant de XVIIe siècle, environ 50 % des bâtiments ont été perdus, poursuit le guide. On sait qu’il y avait un petit bâtiment avec un pressoir, ce qui confirme l’activité viticole du lieu ; ainsi qu’une autre longère, une chapelle et un cimetière dont une croix en pierre atteste aujourd’hui la présence.  »

Le guide éclaire un blason au-dessus de la cheminée de la pièce principale de la maison.Sur la façade et dans la maison d’habitation, des blasons confirment l’appartenance aux ordres religieux : « La commanderie de Mons passe aux mains des Hospitaliers en 1312 après la dissolution de l’ordre du Temple. De nombreux blasons ainsi que des croix de Malte, fruits du passage des différents commandeurs, ornent fenêtre à meneaux et cheminées de style renaissance. Ces pierres parlent de 900 ans d’histoire ! »

Près de cette commanderie, un hameau, aujourd’hui le lieu-dit Le Temple, s’est créé et était habité par les paysans qui y travaillaient. « Ils étaient très attachés à ces ordres, ils se sentaient en sécurité, plus respectés par les moines que par les seigneurs… En contrebas de la propriété, les religieux ont créé une fontaine pour offrir de l’eau aux habitants. Cette fontaine miraculeuse dédiée à saint Rémy, qui existe toujours, guérissait des maux d’yeux et des fièvres ; elle est liée à beaucoup de légendes. »

A 3 km de la commanderie, une petite chapelle leur appartenait.Le mystère se poursuit avec la visite d’une dépendance de la commanderie au lieu-dit la Chapelle, à 3 km de là. « Une petite chapelle préexistante à l’arrivée des Templiers leur a été donnée, précise le guide qui a mené une véritable enquête historique. On y découvre des silos à grains creusés dans le rocher, ce qui est assez inhabituel dans un lieu de culte. Dans des maisons du hameau, des salles souterraines ont été découvertes, sans doute des accès au souterrain échappatoire de la commanderie bouché par la création d’une cuve en béton. Des souterrains où auraient pu être cachés les fameux trésors de l’ordre. »

Un des mystères les plus véhiculés autour des Templiers. Autre témoignage de l’histoire, les cloches de cette chapelle, qui semblent en fer, « une technique rare plutôt venue d’Orient », pourraient s’expliquer par les passerelles culturelles avec l’Orient : « Les Templiers ont amené en Europe des savoir-faire, comme les mathématiques ou des techniques architecturales. »

La commanderie et la chapelle de Varetz font partie d’un réseau patrimonial, culturel et touristique comprenant quinze anciens sites des Templiers et Hospitaliers entre la Corrèze et le Périgord noir.

« Privés ou publics, beaucoup de sites leur ayant appartenu sont tombés dans l’oubli et chacun avait du mal à émerger ; en les mettant en réseau, on propose une offre plus large sur le sujet, on crée de l’intérêt », explique Marc Olivier Agnès qui a convaincu des offices de tourisme à s'unir en réseau.

Le réseau, porté par Brive tourisme, Tourisme haute Corrèze, Terre de Corrèze et Vézère Périgord, comprend notamment les vestiges du prieuré de Soudaine-Lavinadière, la fontaine miraculeuse à Saint-Robert, la commanderie de Condat, les églises de Lestards, Chavanac, Courteix… Des sites se rajoutent au réseau de base comme la chapelle de Curemonte et des lieux de la Vallée de l’homme en Dordogne.

Le réseau compte quinze sites, bientôt dix-neuf : les offices assurent une communication et un logo communs, proposent des visites guidées, facilitent l’accès aux églises, incitent les propriétaires privés à ouvrir leurs portes au moins pendant les journées du patrimoine… Des panneaux explicatifs ont été installés sur chaque site et des podcasts, réalisés à partir de témoignages par Marc-Olivier Agnès, seront bientôt disponibles en ligne pour chaque lieu.

« Souvent riche de symboles, chaque site raconte une histoire, a ses propres légendes, précise-t-il. Avec les outils créés et un dépliant récapitulatif, l’idée est que chaque personne fait son propre circuit. La visite de trois ou quatre sites sur la journée permet de reconstituer la vie de ces hommes du Moyen Âge. »

Un des objectifs du réseau étant d’attirer les touristes, l’idée est de proposer, dès cet été, des formules à thème avec un hébergement dans des commanderies, des visites guidées et des soirées contées. Les autres objectifs sont la sauvegarde et la transmission du patrimoine.

Comme la commanderie de Varetz, on peut dormir dans des chambres ayant appartenu à des commandeurs.Marc-Olivier Agnès souhaite aussi monter des projets pédagogiques avec les écoles : « J’ai grandi ici et je ne connaissais pas cette histoire ; ça m’aurait fait rêver de parler de chevaliers. » Enfin, le passionné d’histoire souhaite sensibiliser les propriétaires publics et privés à préserver le patrimoine : « Avec l’école de géomètres d’Égletons, on va proposer de scanner en 3D les bâtiments pour garder les modèles, en faire des maquettes. »

Photos : Stéphanie Para ; texte : Christine Moutte