Il aura fallu attendre quatre-vingts ans pour voir la parution du Cours de poétique de Paul Valéry, sur laquelle s’est ouverte l’année 2023. Cet enseignement professé au Collège de France entre 1937 et 1945, dont n’étaient connus jusqu’à présent que les textes de la plaquette de candidature et de la première leçon repris dans Variété1, ainsi que quelques rares témoignages de contemporains comme Maurice Blanchot2, avait été relégué au statut de mythe en raison de son inaccessibilité. Sa postérité, on le sait, fut non moins grande : il a inspiré la discipline dont la revue Poétique – qui se réclame d’une « tradition qui va d’Aristote à Valéry » (1970, p. 1) – constitue la principale représentante et a ainsi contribué à un mouvement de renouvellement important de la critique littéraire au xxe siècle. Il faut saluer un travail éditorial exigeant : si l’existence, à la BnF, d’un dossier de notes préparatoires du Cours (environ 2500 feuillets) n’était pas ignorée – du moins parmi les spécialistes –, cet ensemble avait jusqu’alors la réputation d’être inéditable en raison de son volume et de son caractère fragmentaire. Dès le début de l’enseignement de Valéry, une publication était envisagée3, tant par l’auteur que par son éditeur, Gaston Gallimard, mais le projet n’aboutit pas et la postérité n’a pas non plus pallié cette lacune4. La complexité du dossier d’archive n’y est sans doute pas étrangère. L’édition de William Marx, parue en deux volumes qui totalisent 1400 pages, s’appuie sur des documents de différents types et provenances : à part les textes publiés dans Variété, il s’agit de transcriptions verbatim de 37 des 197 leçons effectivement prononcées5, de notes préparatoires issues du fonds Valéry de la BnF (un quart des 2500 feuillets ont été transcrits), de programmes et de résumés annuels présentés par Valéry dans le cadre de ses fonctions, ainsi que des comptes rendus d’auditeurs. L’édition ne forme donc pas une totalité homogène, mais assemble des éléments qui éclairent le contenu du cours sous différents angles et selon des proportions variables en fonction les années. La « Note sur la présente édition » offre une vue très claire des principes qui ont guidé l’établissement du texte. On peut considérer que l’éditeur a réussi un pari qui était loin d’être gagné : fournir une vision la plus complète possible du Cours de poétique et favoriser la lisibilité sans rien sacrifier de la rigueur philologique. L’éditeur a choisi de privilégier la restitution du